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Contrôle des messages électroniques du salarié: ce qui est légal… ou pas

11 avril 2016 | Sabine SAINT- SANS| FOCUS RH

Dans le cadre de leur activité professionnelle, la plupart des salariés ont à leur disposition un poste de travail Informatique doté d’une messagerie électronique. L’utilisation, sur le lieu de travail, de ces outils Informatiques à des fins autres que professionnelles est généralement tolérée sous réserve de rester raisonnable et de pas affecter la sécurité des réseaux ou la productivité de l’entreprise.

L’employeur doit informer les salariés sur les restrictions d’usage et mesures de sécurité relatives à la messagerie électronique de l’entreprise. La consultation par l’employeur des emails envoyés ou reçus par le salarié au moyen de la messagerie électronique de l’entreprise dépend du caractère personnel ou non des messages en question et de la façon dont l’employeur y aura accès.

Emails échangés au moyen de la messagerie professionnelle
Il est de jurisprudence constante que les courriels échangés par le salarié à l’aide de l’outil informatique mis à sa disposition par l’employeur pour les besoins de son exercice professionnel sont présumés avoir un caractère professionnel.
Il résulte de ce principe que l’employeur est en droit de les contrôler librement à partir du moment où ces courriels ne sont pas identifiés comme personnels, à moins que le règlement intérieur de l’entreprise n’en dispose autrement (Cass. soc., 26 juin 2012, n°11-15.310).
Le contrôle des courriels identifiés comme étant personnels implique que l’employeur ne peut les ouvrir qu’en présence du salarié ou celui-ci dûment appelé (Cass. soc., 15 décembre 2010. n°08-42.486, 16 mai 2013, n·12- 11.866).
L’employeur peut toutefois, s’il justifie d’un motif légitime lié à la protection de ses droits, obtenir une ordonnance du juge permettant à un huissier de justice de prendre connaissance des emails identifiés comme personnels par le salarié et d’en dresser procès-verbal (Cass. soc., 23 mai 2007, n°05-17.818; 10 juin 2008, n »06-19.229).
Ainsi, en matière de courriels échangés par le salarié au moyen de la messagerie professionnelle, les règles établies par la jurisprudence ont instauré une telle dichotomie entre les mails identifiés comme personnels et ceux identifiés comme professionnels que ce/a laisse peu de place à l’interprétation.

Emails échangés au moyen de la messagerie personnelle
Dans un arrêt rendu par la chambre sociale de la Cour de cassation le 26 janvier dernier, la Haute juridiction précise pour la première fois que les messages électroniques litigieux provenant de la messagerie personnelle du salarié distincte de la messagerie professionnelle dont celui-ci dispose pour les besoins de son activité, doivent être écartés des débats en ce que leur production en justice porte atteinte au secret des correspondances (Cass. soc., 26 janvier 2016, n »14-15.360). Il est intéressant de relever que la chambre commerciale de la Cour de cassation avait déjà retenu une solution identique (Cass. com. 16 avril 2013, n°12615.657).

L’enjeu d’une telle problématique n’est autre que celui de la recevabilité de la preuve devant le juge prud’homal. .. On peut donc déduire de cette décision que l’intrusion de l’employeur dans la messagerie personnelle du salarié est illégitime.

Quld des messages personnels enregistrés sur le disque dur professionnel ?
Cela élant dit, on peul se poser la question de savoir si la solution de la Cour de cassation serait la même dans l’hypothèse où le salarié enregistre ses messages personnels sur le disque dur de son ordinateur professionnel?
Dans une décision antérieure, la chambre sociale avait jugé que les courriels intégrés dans le disque dur de l’ordinateur de travail d’un salarié ne sont pas identifiés comme personnels du seul fait qu’ils émanent initialement de la messagerie électronique personnelle de l’intéressé et peuvent donc être consultés librement par l’employeur (Cass. soc. 19 juin 2013, n »12-12.138).
Cette solution est parfaitement cohérente avec le principe selon lequel les dossiers et fichiers créés par un salarié grâce à l’outil informatique mis à sa disposition par son employeur pour l’exécution de son travail sont présumés, sauf si Je salarié les identifie comme étant personnels, avoir un caractère professionnel, de sorte que l’employeur peul y avoir accès hors sa présence (Cass. soc. 18 octobre 2006 n• 04-48.025 (n° 2311 F-PB), Le Fur c/ Sté Techni-­Soft: RJS 12/06 n° 1241, Bull. civ. V n° 308 ;Cass. soc. 16 mai 2007 n° 05-43.455 (n° 1021 F-D), Eve c/ Sté lnfo Mag).

Les sanctions applicables
Toute entorse aux règles susmentionnées rend irrecevable devant le juge les messages provenant de la messagerie personnelle du salarié.
En outre. l’employeur s’expose à des poursuites pénales sur le fondement de l’article 226-15 du Code pénal réprimant le délit d’atteinte au secret des correspondances (1 an d’emprisonnement et une amende pouvant aller jusqu’à 45.000 euros pour les personnes physiques).
L’employeur peut également engager sa responsabilité civile et être condamné à réparer le préjudice subi par le salarié.

A propos de l’auteur
Titulaire d’un DESS en droit européen des affaires, Sabine Saint-Sans est avocate depuis 1999 et est intervenue en droit social au sein d’un cabinet français à dominante droit des affaires, avant de rejoindre en 2006 le cabinet Deriennic Associés.
Spécialiste en droit social, ses domaines d’intervention privilégiés sont les projets de restructuration ou transfert d’activités, les fusions acquisitions, mais aussi la négociation collective, la durée du travail. l’épargne salariale et la stratégie sociale.
Sabine Saint-Sans anime au sein de Derriennic Associés une équipe d’avocats orientée vers une clientèle d’entreprises nationales et internationales.

 

Tags: courriel, message électronique, personnel