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MESURES COVID 19 – L’activité partielle en questions : un dossier épineux, à construire de concert

02 avril 2020 | Derriennic Associés |

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Le mécanisme du chômage partiel est aujourd’hui presque complet dans l’arsenal juridique développé depuis le confinement du 16 mars dernier.

Devenu aujourd’hui le premier sujet de préoccupation des DRH, le dispositif suppose de construire un dossier sérieux pour lequel de (trop) nombreuses questions doivent se poser.

Le cabinet propose aujourd’hui de se les poser avec vous.

 

  • Quelle forme d’activité partielle choisir ? Quels salariés dois-je viser ?

Qu’il s’agisse d’une réduction d’activité (donc de la durée du travail) ou d’un arrêt de l’activité, le dispositif d’activité partielle peut concerner la totalité de l’entreprise ou qu’une partie seulement.

Notons que tous les salariés peuvent être concernés par la mesure : CDI, CDD, intérimaires, apprentis, salariés à temps plein, à temps partiel, sous forfait annuel en heures ou en jours, etc.

La notion de « partie d’établissement » vise une unité de production, un atelier, un service ou encore une équipe chargée de la réalisation d’un projet, notamment en matière de prestations intellectuelles (Circ. DGEFP 12 du 12 juil. 2013). L’appellation de partie d’établissement « recouvre une entité homogène définie, voire une catégorie de personnel » (Circ. CDE no39-85, 15 juill. 1985).

Le recours au chômage partiel supposera de savoir si l’activité réduite de l’entreprise appelle des mesures catégorielles ou des mesures ciblées : par type de missions, etc.

Dans les deux cas, le dispositif d’activité partielle demeure collectif, ce qui suppose une catégorie de personnel objectivée qui devra être, si ce n’est juridique (par exemple, tous les ouvriers, tous les consultants, etc.), du moins suffisamment distincte (un département ou service visé par l’organigramme, une affectation à un projet ou un type de client, une affectation à un territoire spécifique, des salariés aux compétences particulières, etc.).

L’entreprise peut se trouver confrontée au choix suivant : placer tous les cadres en réduction d’activité à 60 % ou en maintenir certains à 100% et ne placer que ceux dont l’activité est réellement réduite à 20% voire à l’arrêt. En théorie, nous préconisons de privilégier la seconde option mettant l’accent sur la réduction réelle de l’activité mais le choix du personnel visé par le dispositif devra in fine faire l’objet d’une analyse au cas par cas en fonction des besoins et de la situation de chaque entreprise.

 

  • Puis-je envisager une organisation de l’activité réduite par roulement ?

En cas de réduction collective de l’horaire de travail, les salariés peuvent être placés en activité partielle individuellement et alternativement. La loi offre donc la possibilité de mettre en place un système de roulement, sans que l’entreprise n’ait à placer tous ses salariés en chômage partiel.

Cela suppose toutefois que les salariés puissent assurer le roulement, donc qu’ils disposent des mêmes compétences ou connaissances. Faute d’être «interchangeables», le roulement ne pourra de facto être mis en place.

La loi ne règlemente pas ce roulement, de sorte que l’employeur est libre de l’organiser à sa guise, sous réserve de bonne foi.

Il est important que chaque entreprise soit ici assistée, dans le choix de ses « critères d’ordre », afin notamment qu’elle n’inclut pas dans le roulement des populations à risque ou pouvant créer des inégalités de traitement.

 

  • A quel point mon « dossier » de demande d’activité partielle doit-il être complet ?

Aujourd’hui, les demandes sont faites par établissement disposant d’un Siret. Il a toutefois été annoncé qu’une entreprise multi-établissements pourrait faire sa demande en une seule fois courant du mois d’avril.

En tout état de cause, le « dossier » de demande d’activité partielle comprend seulement les motifs de recours, la période prévisible de sous-activitéainsi que le nombre de salariés concernés (C. Trav., art. R.5122-2).

Il n’y a donc pas lieu de fournir une liste nominative du personnel concerné a prioripar le dispositif.

Ce ne sera qu’au moment des demandes de remboursement que l’employeur fournira le décompte des heures, le nom des intéressés ainsi que leur catégorie professionnelle à l’Agence de services et de paiement (ASP).

S’il n’est pas utile de viser nominativement les salariés concernés, le dossier de demande d’autorisation devra toutefois faire la démonstration, à la Direccte, d’une véritable situation nécessitant l’aide de l’Etat.

Le motif de recours doit correspondre aux circonstances exceptionnelles liées au coronavirus. Si l’entreprise n’est pas de celles dont la fermeture administrative a été ordonnée, elle devra décrire précisément l’impact négatif du Covid-19 sur sa situation économique et sociale (absence massive de salariés, baisse d’activité et impact sur l’emploi). Ainsi, il ne doit pas s’agir d’une compensation à la perte du chiffre d’affaires ou d’une aide à la trésorerie.

La rédaction de la demande est à ce stade essentielle : démontrer la réalité de la réduction d’activité en lien avec la crise Covid-19 et son impact sur des catégories homogènes de salariés.

De nombreuses questions se posent à ce stade, notamment sur la manière de présenter la baisse d’activité, en comparaison de quelle période, de quel taux d’occupation, que fait-on des salarés non occupés (en attente de mission) avant la demande ?

Autant de sujets délicats qui sont susceptibles de conduire au refus de votre dossier.

La période prévisible de sous-activité doit faire l’objet d’une évaluation la plus précise possible, la Direccte recommandant d’indiquer en première demande une date s’étendant jusqu’au 30 juin prochain (Document DIRECCTE « Dispositif exceptionnel d’activité partielle Coronavirus – COVID-19 Mis à jour le 25 mars 2020 »).

Enfin, le nombre de salariés concernés doit également être évalué avec justesse, tant dans leur nombre que dans le volume d’heures chômées prévisionnelles.

L’exercice n’est pas aisé, s’agissant d’un prévisionnel à faire pour chaque mois de la période sollicitée.

Notons que la demande porte sur un volume d’heures global, étant rappelé que le contingent maximal est actuellement fixé à 1.000 heures par an par salarié, ce qui correspond à environ 6,5 mois pour un salarié à temps plein (35 heures).

Dans l’appréciation du volume d’heures prévisionnelles, l’entreprise devra ainsi calculer, sur une base ETP, sa demande avec justesse car il n’est pas certain qu’une nouvelle demande puisse être faite ultérieurement afin de régulariser un besoin sous-estimé.

Ce volume sera d’autant plus difficile à déterminer pour des salariés sous forfait annuel en jours. Dans une documentation technique de juillet 2015 accompagnant sa circulaire DGEFP du 12 juillet 2013, la Direccte indiquait qu’une journée entière de fermeture équivalait à 7 heures chômées et qu’une demi-journée chômée pouvait être comptabilisée comme 3h30. Ces bases devront toutefois être confirmées par le décret, non encore paru ce jour mais annoncé par l’ordonnance du 27 mars dernier qui indiquera les modalités de conversion.

Le nombre de salariés concernés par la mesure doit également faire l’objet d’une attention particulière.La Cour de cassation a pu juger que l’employeur doit impérativement placer concrètement en chômage partiel le nombre de salariés pour lesquels il a fait (et obtenu) la demande de chômage partielà la Direccte (Cass. Soc., 30 janv. 2002, n°00-40805).

Enfin et pour rappel, les entreprises ne doivent pas oublier d’adresser l’avis du CSE dans les deux mois de leur demande, y compris pour les entreprises de moins de 50 salariés au regard de la formulation du nouvel article R. 5122-6.

S’agissant de cette consultation, l’ordonnance n°2020-389 du 1eravril 2020 vient préciser qu’à défaut de visioconférence pouvant être imposée unilatéralement, la conférence téléphonique voire, à défaut, la messagerie instantanée peut être utilisée par l’employeur pour recueillir l’avis du CSE. Le décret en fixant les modalités est attendu.

Le dossier à adresser à la Direccte doit donc s’avérer pour le moins consistant. Là encore et au quotidien, le cabinet assiste les entreprises afin de préparer et finaliser au mieux leur dossier en ce sens.

 

  • Puis-je faire une demande d’activité partielle rétroactive ?

Compte tenu du contexte de crise, le Gouvernement a décidé que les entreprises pouvaient bénéficier d’une prise en charge rétroactive de 30 jours(C. Trav., art. R. 5122-3).

Il est donc possible de déposer la demande d’autorisation d’activité partielle dans les 30 jours à compter du placement des salariés en activité partielle, étant précisé que la prise en charge peut rétroactivement agir jusqu’au 1ermars 2020 (Décret 2020-325 du 25 mars 2020, art. 2).

Cela suppose un placement effectif des salariés en chômage partiel, donc une information de leur part.

Il est recommandé de ne pas trop attendre, car le refus de l’administration obligera l’entreprise à payer tous les jours chômés à 100% sans pouvoir se faire rembourser par l’Etat.

Ainsi, si vous avez placé vos salariés en activité partielle le 20 mars 2020, vous avez jusqu’au 20 avril 2020 pour effectuer la demande.

 

  • Quel contrôle voire sanction de la Direccte dois-je craindre ?

Au vu de l’engouement sans précédent vis-à-vis du dispositif d’activité partielle, le Gouvernement ainsi que les Direccte ont déjà annoncé qu’elles procèderaient à des contrôles a posterioride la régularité des dossiers.

Outre les conditions de forme (avis du CSE), il est impératif que l’entreprise s’assure, d’une part, de pouvoir justifier de la baisse d’activité réelle ayant nécessité le recours au dispositif et, d’autre part, qu’elle veille à ce qu’il n’y ait eu aucune incompatibilité entre les jours déclarés chômés et la situation du salarié.

Si la Direccte fait le constat que l’activité partielle déclarée s’est, en réalité, superposée à un congé ou une inactivité comme vu précédemment, il pourrait y avoir là un risque réel de fraude avec les sanctions pour travail illégal : 2 ans d’emprisonnement et 30.000 € d’amende, remboursement des sommes indument versées par l’Etat et interdiction de bénéficier pendant 5 ans d’aides publiques.

 

  • En conclusion

En conclusion et bien que le décret du 25 mars et l’ordonnance du 27 mars dernier aient apporté des réponses, le dispositif d’activité partielle reste encore flou sur certains aspects. L’entreprise doit se poser plusieurs questions afin de constituer sa demande d’autorisation. Leur nombre peut rendre le dossier épineux, d’où un travail de concert nécessaire entre l’entreprise et son Conseil.

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