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Covid 19 – quid de la résolution ou résiliation pour faute des contrats?

20 avril 2020 | Derriennic Associés |

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Clause résolutoire ou de résiliation pour faute

Les contrats ou conditions générales comportent usuellement une clause de résiliation pour faute ou clause résolutoire. Ces termes sont équivalents.

Comment peut on les faire jouer durant la crise COVID 19 ?

Pour les clauses prenant effet entre le 12 mars et le 24 juin 2020

L’article 4 de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période, modifiée par l’ordonnance n°2020-427 du 15 avril 2020, dispose que « []les clauses résolutoires[], lorsqu’elles ont pour objet de sanctionner l’inexécution d’une obligation dans un délai déterminé, sont réputées n’avoir pas pris cours ou produit effet, si ce délai a expiré [] » entre le 12 mars et le 24 juin (soi l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire).

L’article 4 alinéa 2 dispose que « si le débiteur n’a pas exécuté son obligation, la date à laquelle la clause résolutoire produit effet est reportée d’une durée, calculée après »le 24 juin, « égale au temps écoulé entre, d’une part, le 12 mars 2020 ou, si elle est plus tardive, la date à laquelle l’obligation est née et, d’autre part, la date à laquelle elle aurait dû être exécutée ».

Exemples

Un contrat conclu avant le 12 mars doit être exécuté le 20 mars, une clause résolutoire étant stipulée en cas d’inexécution à cette date ; le débiteur n’exécute pas le contrat à la date prévue ;

  • dès lors que l’exécution devait intervenir après le 11 mars, la clause résolutoire ne produira pas effet ;
  • elle produira effet en revanche si le débiteur n’a toujours pas exécuté son obligationle 2 juillet (soit dans un délai de 8 jours, calculé à partir du 24 juin, égal au temps écoulé entre, d’une part, le 12 mars 2020 et la date à laquelle l’obligation aurait dû être exécutée, le 20 mars).

En application d’une clause de résiliation pour faute d’un contrat conclu le 15 mars, un créancier met en demeure son débiteur de s’exécuter sous un délai expirant le 15 avril ; le débiteur n’exécute pas le contrat à la date prévue ;

  • le contrat sera résilié si le débiteur n’a toujours pas exécuté son obligation le 24 juillet (soit dans un délai d’un mois, calculé à partir du 24 juin, égal au temps écoulé entre, d’une part, la date à laquelle l’obligation est née, le 15 mars et la date à laquelle l’obligation aurait dû être exécutée, le 15 avril).

Clauses prenant effet après le 24 juin 2020

L’article 4 alinéa 3 dispose que « la date à laquelle la clause résolutoire prend effet, lorsqu’elle a pour objet de sanctionner l’inexécution d’une obligation, autre que de sommes d’argent, dans un délai déterminé expirant après » le 24 juin, « est reportée d’une durée égale au temps écoulé entre, d’une part, le 12 mars 2020 ou, si elle est plus tardive, la date à laquelle l’obligation est née et, d’autre part », le 24 juin.

Exemples

Un contrat conclu avant le 12 mars doit être exécuté le 10 juillet, une clause résolutoire étant stipulée en cas d’inexécution à cette date ; le débiteur n’exécute pas le contrat à la date prévue ;

  • la date à laquelle la clause résolutoire prend effet est reportée au 22 octobre (soit d’une durée de 3 mois et 12 jours, égale au temps écoulé entre le 12 mars 2020 et le 24 juin).

Un contrat conclu le 12 avril doit être exécuté le 10 juillet, une clause résolutoire étant stipulée en cas d’inexécution à cette date ; le débiteur n’exécute pas le contrat à la date prévue ;

  • la date à laquelle la clause résolutoire prend effet est reportée au 22 septembre (soit d’une durée de 2 mois et 12 jours, égale au temps écoulé entre la date à laquelle l’obligation est née,le 12 avril 2020, et le 24 juin).

L’article 4 de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 est supplétif de la volonté de parties

S’agissant des contrats conclus pendant l’état d’urgence sanitaire, les parties au contrat restent libres d’écarter l’application de cet article par des clauses expresses (Rapport au Président de la République).

Clauses prenant effet avant le 12 mars

En toute hypothèse, lorsqu’une clause produit effet avant le 12 mars 2020, le débiteur peut en principe saisir le juge pour contester ses conditions de mise en œuvre. Seuls les référés devant le Tribunal judiciaire visant l’urgence étant maintenus pendant la période de confinement, il conviendra de démontrer l’urgence.

 

La résolution judiciaire durant la crise 

L’insertion dans un contrat d’une clause résolutoire ne prive pas le créancier du droit de demander la résolution judiciaire pour le même manquement (Cass. 3e civ., 29 avr. 1985, n° 83-14.916). En effet, la résolution peut, en toute hypothèse, être demandée en justice (article 1227 du Code civil et article 1184 ancien pour les contrats conclus avant le 1eroctobre 2016).

Celle-ci suppose toutefois la démonstration d’une inexécution suffisamment grave :

  • Le non-paiement des loyers d’un local commercial pendant plusieurs années caractérise un manquement suffisamment grave (CA Paris, pôle 5 – ch. 3, 22 févr. 2017, n° 15/04815). Il n’est en revanche pas acquis qu’un retard de paiement limité, en cette période de crise sanitaire, soit suffisamment grave pour justifier une résolution judiciaire.
  • S’agissant d’une obligation de faire, le non-respect d’une obligation de maintenance essentielle au bon fonctionnement de sites internet peut caractériser un manquement suffisamment grave ; au cas de l’espèce, « des dysfonctionnements à répétition affectaient les vingt-et-un sites internet des franchisés et celui du franchiseur, de nature à nuire à leurs relations, à leurs recherches de prospects ainsi qu’au développement du réseau (agences n’apparaissant pas sur la carte, mot de passe, code disparaissant, impossibilité d’accès aux franchisés, problèmes de devis, de référencement …)» (Cass. com., 6 déc. 2016, n° 15-12.981).
  • Plus généralement, une inexécution qui compromet l’économie du contrat peut être suffisamment grave (Com. 2 juill. 1996, no93-14.130).

Le juge a le pouvoir, selon les circonstances, d’ordonner l’exécution du contrat (en lieu et place de la résolution), d’accorder éventuellement un délai au débiteur, ou d’allouer seulement des dommages et intérêts (article 1228 du Code civil). Les circonstances propres à chaque situation, dans le contexte de la crise du Covid19, seront vraisemblablement prises en compte par les juridictions.

Par ailleurs, le débiteur d’une obligation de faire, s’il est fondé à invoquer la force majeure, pourra se prévaloir d’une simple suspension du contrat. La sanction de la reconnaissance d’un cas de force majeure est en effet la suspension du contrat dès lors que l’empêchement est temporaire, ce qui est à priori le cas des restrictions liées au Covid 19, excepté si le retard justifie la résolution (ex : fourniture de denrées périssables).

En tout hypothèse, pendant la période de confinement, seuls les référés devant le tribunal judiciaire visant l’urgence sont maintenus (https://www.justice.fr/info-coronavirus). Or l’appréciation de l’existence et de la gravité du manquement pour prononcer la résolution du contrat échappent à la compétence du juge des référés et relève de la compétence du juge du fond (CA Nancy, deuxième ch. com., 2 déc. 2009, n° 09/02321).

Les actions en résolution judiciaire sont donc gelées de fait pendant la période d’activité réduite des tribunaux.

 

La résolution(sans clause contractuelle) par notification unilatérale du créancier

Le créancier peut enfin résoudre le contrat par voie de notification (article 1126 du Code civil ; arrêt Tocqueville, civ. 1re, 13 oct. 1998, n° 96-21.485). Rien n’empêche à priori un créancier d’user de cette faculté pendant la crise du Covid19.

La résolution est alors effectuée « aux risques et périls » du créancier, car le débiteur peut saisir le juge pour contester la résolution. Le créancier devra alors prouver la gravité de l’inexécution(voir les développements sur la résolution judiciaire ci-dessus).

Au regard de la rigueur des tribunaux pour caractériser un manquement suffisamment grave, les créanciers sont invités à la plus grande prudence quant à l’utilisation de ce mode de résolution en cette période de crise.