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Démarchage de professionnels indépendants : attention à l’obligation d’information

10 avril 2020 | Derriennic Associés |

Arrêts de la Cour d’appel de Versailles du 14 janvier 2020 (18/05927) et du 28 janvier 2020 (1806448)

La Cour d’appel de Versailles a rendu deux décisions, sur des affaires de démarchage téléphonique de professionnels libéraux, pour la création et l’hébergement de sites internet financés par une location financière. Dans les deux affaires, les clients professionnels ont été assignés devant le Tribunal de Grande Instance aux fins de recouvrement d’impayés.

Les contrats ayant été souscrits avant le 1erjuillet 2016, la Cour d’appel vise l’ancien article L.121-16-1 III du Code de la consommation (remplacé par l’article L.221-3 nouveau), qui étendait les dispositions sur le démarchage « aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels dès lors que l’objet de ces contrats n’entre pas dans le champ de l’activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq».

La loi du 17 mars 2014 (dite loi Hamon) avait substitué pour les contrats conclus après le 13 juin 2014, la notion de « champ de l’activité principale » à celle de « rapport direct » avec l’activité. La Cour revient sur cette notion, qui se rattachait à la finalité de l’opération. Ainsi, les contrats ayant pour objet de promouvoir une activité professionnelle ont un rapport direct avec celle-ci.Le site web d’un avocat a un rapport direct avec son activité, puisqu’il a vocation à en faciliter l’exercice.

Pour déterminer si l’objet du contrat rentre dans le champ de l’activité principale du professionnel, il convient en revanche d’étudier les caractéristiques du bien ou service, rapportées à celles de l’activité du professionnel. Aux cas d’espèce, un service internet est un système de communication et n’entre pas dans le champ de l’activité principale de l’avocat ou de l’ostéopathe, le droit ou l’ostéopathie.

Sont par ailleurs exclus des dispositions protectrices sur le démarchage les contrats de « fourniture de biens confectionnés selon les spécifications du consommateur ou nettement personnalisés » (article L.121-21-8 ancien et article L.221-28 nouveau du Code de la consommation).

Aux cas d’espèces, les sites internet nécessitent la mise à disposition de logiciels développés par l’agence web, ainsi qu’un hébergement et un référencement pour être visibles. Aussi, les contrats ont donc pour objet non la fourniture d’un bien mais la prestation de services.

De plus, en l’absence de création sur mesure mais de simple adaptation du logiciel en fonction d’options limitées choisies par le client, la prestation n’est pas suffisamment personnalisée pour être « confectionnée selon les spécifications du consommateur » ou être « nettement personnalisée ».

Le professionnel qui réalise un démarchage est enfin débiteur d’une obligation d’information précontractuelle portant notamment sur les conditions, le délai et les modalités d’exercice du droit de rétractation et est tenu de fournir un formulaire type de rétractation (article L.121-17 ancien et L.221-5 nouveau du Code de la consommation).

Dans l’arrêt du 14 janvier 2020, les informations relatives au droit de rétractation n’ayant pas été fournies, le délai de rétractation est prorogé de douze mois à compter de l’expiration du délai de 14 jours (article L.121-21-1 ancien et article L.221-20 nouveau du Code de la consommation). L’avocat a exercé son droit de rétractation en temps utile et les contrats sont donc anéantis.

Dans l’arrêt du 28 janvier 2020, la Cour prononce la nullité des contrats (article L.121-18-1 ancien et L.221-9 etL.242-1 nouveaux du Code de la consommation).

Les dispositions sur le démarchage sont d’ordre public (article L.121-25 ancien et article L.221-29 nouveau du Code de la consommation). Ainsi, les mentions contraires dans les contrats sont sans effet.