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Focus : Comment articuler les arrêts de travail avec la mise en place de l’Activité Partielle ?

16 avril 2020 | Derriennic Associés|

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La période de crise sanitaire donne lieu à plusieurs hypothèses de suspension du contrat de travail : activité partielle, congés payés, arrêts maladie… S’agissant de ces derniers, l’employeur doit rester vigilant dans leur articulation avec la période de chômage partiel.

  • La précision du jour : le régime de faveur des arrêts de travail applicable depuis le 12 mars 2020

Dans le précédent focus, il a été vu que les conditions de prise en charge avaient été unifiées et améliorées pour chaque type d’arrêt de travail par l’ordonnance du 25 mars 2020, laquelle prévoyait que ces disposition entraient en vigueur à sa date de publication, soit le 26 mars 2020.

Toutefois, l’article 9 de l’ordonnance n°2020-428 du 15 avril 2020, publiée ce matin au JO, revient sur la date d’entrée en vigueur desdites dispositions.

Cet article prévoit ainsi que les nouvelles conditions de prise en charge des arrêts de travail sont « applicables aux arrêts de travail en cours au 12 mars 2020 ainsi qu’à ceux ayant commencé postérieurement à cette date, quelle que soit la date du premier jour de ces arrêts de travail, pour les indemnités complémentaires perçues par les salariés mentionnés aux 1° et 2° à compter de cette date. Elles cessent d’être applicables à une date, fixée par décret, qui ne pourra excéder le 31 décembre 2020 ».

Il s’ensuit que le complément de salaire doit donc rétroactivement intervenir au titre des arrêts de travail en cours à la date du 12 mars dernier.

  • L’interférence avec l’activité partielle

L’arrêt de travail est incompatible avec tout travail, y compris en télétravail, mais également avec l’activité partielle.

Il y a lieu de distinguer les hypothèses en fonction de la date à laquelle le salarié se trouve en arrêt de travail mais aussi du type d’arrêt de travail.

Dans l’hypothèse où le salarié se trouve déjà en arrêt de travail pour maladieet que les salariés de l’entreprise sont postérieurement placés en activité partielle, l’intéresséreste en arrêt indemnisé jusqu’à la fin de l’arrêt prescrit.

Le complément employeur, versé en plus de l’IJSS, s’ajuste pour maintenir la rémunération à un niveau équivalent au montant de l’indemnisation due au titre de l’activité partielle, soit au moins 70 % du salaire brut, car le complément employeur ne peut conduire à verser au salarié un montant plus élevé que celui qu’il toucherait s’il n’était pas en arrêt.

A la fin de son arrêt, le salarié bascule en activité partielle.

Dans l’hypothèse où le salarié bénéficie d’un arrêt de travail dérogatoire mis en place dans le cadre de la gestion de l’épidémie pour isolement ou garde d’enfant et que l’entreprise place ses salariés postérieurement en activité partielle, il convient de distinguer deux situations :celle dans laquelle l’activité de l’entreprise est totalement interrompue et celle dans laquelle l’activité de l’entreprise est réduite.

En cas d’arrêt total d’activité (de l’établissement ou partie d’établissement), la justification des arrêts dérogatoires étant d’indemniser le salarié qui ne peut pas se rendre sur son lieu de travail soit par mesure de protection soit parce qu’il est contraint de garder son enfant, ceux-ci n’ont plus lieu d’être lorsque l’activité est interrompue puisqu’il n’a plus à se rendre sur son lieu de travail.

Dans ces conditions, le placement des salariés en activité partielle doit conduire à interrompre l’arrêt de travail du salarié : l’employeur doit alors signaler à l’assurance maladie la fin anticipée de l’arrêt selon les mêmes modalités qu’une reprise anticipée d’activité en cas d’arrêt maladie de droit commun.

Toutefois compte tenu des circonstances exceptionnelles, si l’arrêt de travail dérogatoire est en cours au moment du placement en activité partielle des salariés en raison de la fermeture de tout ou partie de l’établissement, l’employeur peut attendre le terme de l’arrêt en cours pour placer le salarié en activité partielle (Question-Réponse du Ministère du travail, actualisé au 3 avril 2020).

En revanche, aucune prolongation ou aucun renouvellement de l’arrêt ne pourra être accordé une fois le placement en activité partielle intervenu.

En cas d’activité seulement réduite, l’Administration indique qu’il n’est pas possible de cumuler sur une même période de travail une indemnité d’activité partielle et les indemnités journalières de sécurité sociale.

C’est pourquoi quand l’activité partielle prend la forme d’une réduction du nombre d’heures travaillées, il n’est pas possible de cumuler cette activité partielle avec un arrêt de travail dérogatoire pour garde d’enfant ou pour personne vulnérable. L’employeur ne pourra donc pas placer son salarié en activité partielle pour réduction du nombre d’heures travaillées si un arrêt de travail est en cours.

Enfin, dans l’hypothèse où le salarié est d’abord placé en activité partielle et qu’il tombe ensuite malade, ce dernier conserve son droit de bénéficier d’un arrêt maladie (hors arrêts pour garde d’enfant ou personne vulnérables).

Le dispositif d’activité partielle s’interrompt alors jusqu’à la fin de l’arrêt prescrit (le salarié percevant des indemnités journalières sans délai de carence).

Dans ce cas, l’employeur lui versera le complément de salaire ajusté au niveau équivalent à l’indemnité d’activité partielle, soit au moins 70 % du salaire brut.

  • L’intervention de la médecine du travail durant le confinement

Il est de jurisprudence constante que seule la visite de reprise met fin à la suspension du contrat de travail.

Qu’en est-il en période de confinement ?

Le décret n°2020-410 du 8 avril 2020 vient adapter les délais des visites et examens médicaux effectués par la médecine du travail au cours de la crise sanitaire.

Ainsi, le décret prévoit que le médecin du travail peut choisir de reporter jusqu’au 31 décembre 2020 les visites et examens médicaux dont l’échéance est comprise entre le 12 mars et le 31 août, s’agissant des visites suivantes :

  • la visite d’information et de prévention initiale, à l’exception de celle concernant certaines personnes bénéficiant d’un suivi spécifique (notamment les travailleurs handicapés, les travailleurs de moins de 18 ans, les femmes enceintes, les travailleurs de nuit),
  • le renouvellement de la visite d’information et de prévention ;
  • le renouvellement de l’examen d’aptitude et la visite intermédiaire.

En revanche, l’examen d’aptitude initial réservé aux salariés faisant l’objet d’un suivi renforcé ne peut être reporté. Il s’agit des salariés affectés à un poste présentant des risques particuliers pour sa santé ou sa sécurité (C. Trav., art. R.4624-23).

Pour les salariés aux que ceux bénéficiant d’un suivi spécifique, le médecin du travail peut reporter la visite de reprise dans la limite de 3 mois sans que ce report ne fasse obstacle à la reprise du travail, sauf s’il porte une appréciation contraire.

Il résulte de ces nouvelles dispositions que, en dehors des cas pour lesquels il existe un suivi médical spécifique renforcé, le médecin du travail dispose aujourd’hui d’une appréciation souveraine pour reporter les visites et examens médicaux.

Cette souplesse, qui s’inscrit dans le droit fil des règles du confinement, reposera également en partie, comme le rappelle le décret, sur un échange d’informations entre le médecin du travail et le salarié.

En conclusion, la crise sanitaire a instauré de nouveaux dispositifs aux règles unifiées jusqu’à la temporisation des visites médicales auprès de la médecine du travail, les pouvoirs publics ont mis en place un arsenal de mesures propres à faire respecter le confinement dans le respect des droits des salariés. Les employeurs, pour leur part, doivent rester vigilants dans l’articulation de ces dispositifs avec l’activité partielle.