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Focus : l’arrêt de travail dérogatoire mis lui aussi…au chômage partiel

29 avril 2020 | Derriennic Associés|

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Alors que la crise sanitaire avait permis jusque-là des arrêts de travail dérogatoires pour les personnes vulnérables ou en raison de la garde d’enfant, l’article 20 de la loi n°2020-473 du 25 avril 2020 abroge ces derniers afin de faire basculer les salariés concernés dans le dispositif d’activité partielle.

 

  • Quels salariés sont concernés ?

L’article 20 de la loi précitée prévoit que sont placés en activité partielle les salariés se trouvant dans l’impossibilité de continuer à travailler pour l’un des motifs suivants :

– le salarié est une personne vulnérable présentant un risque de développer une forme grave d’infection au Covid-19 ;

– le salarié partage le même domicile qu’une personne vulnérable ;

– le salarié est parent d’un enfant de moins de 16 ans ou d’une personne en situation de handicap faisant l’objet d’une mesure d’isolement, d’éviction ou de maintien à domicile.

 

  • Un basculement automatique et non une demande d’autorisation classique

L’article 20 précité indique encore que les salariés bénéficient de l’indemnité d’activité partielle « sans que les conditions prévues au I du même article L. 5122-1 soient requises ».

Or, l’article L.5122-1, I est celui prévoyant le placement en activité partielle, après autorisation de la Direccte, dès lors que l’entreprise doit réduire ou arrêter son activité.

Il en résulte que les salariés ici concernés bénéficieront donc de l’activité partielle sans que l’entreprise n’ait eu à fermer ou arrêter temporairement son activité ou à réduire l’horaire collectif pratiqué.

Le basculement des salariés bénéficiant d’arrêts de travail dérogatoires n’est donc pas lié aux conditions de droit commun pas plus qu’à une mesure d’activité partielle qui aurait été déjà mise en place dans l’entreprise.

Ainsi, même si l’entreprise n’a effectué aucune demande d’activité partielle depuis de début de la crise sanitaire, celle-ci se retrouve à devoir en faire la demande particulière (sur le site activitepartielle.emploi.gouv.fr) pour les salariés précités.

Le basculement s’opère à compter du 1er mai 2020, l’Assurance maladie ayant reçu pour instruction de stopper tout versement d’indemnité journalière à partir de cette date.

La question persiste de savoir si le CSE devra être informé et consulté sur ce basculement. Sous réserve de précisions apportées par décret, le sujet devrait, selon nous, faire l’objet d’une information consultation.

 

  • Les spécificités de l’arrêt pour garde d’enfant

Si le salarié ne peut reprendre son activité en raison de la nécessité de garder son enfant normalement scolarisé, il devra ainsi être placé en activité partielle à partir du 1er mai 2020.

Son employeur devra l’en informer et obtenir du salarié le justificatif de fermeture de l’établissement scolaire concerné.

Au regard des dernières annonces, seules certaines écoles devraient rouvrir à partir du 11 mai prochain. Aussi et afin de ne pas pénaliser les salariés en fonction des diverses décisions municipales de réouverture des écoles, le Ministère a indiqué que le dispositif de maintien en activité partielle des salariés pour garde d’enfant serait maintenu jusqu’au 1erjuin.

Le Ministère indique enfin que l’activité partielle ne sera autorisée que si l’enfant ne peut être accueilli par l’établissement scolaire du fait de sa fermeture, ce qui exclut l’hypothèse où l’enfant n’irait pas à l’école en raison de la décision des parents

En outre, l’Assurance maladie indique que l’employeur :

  • ne doit plus déclarer d’arrêt de travail sur le site declare.ameli.fr ;
  • effectue un signalement de reprise anticipée d’activité via la déclaration sociale nominative (DSN) pour les arrêts en cours dont le terme est fixé postérieurement au 30 avril ;
  • réalise une demande d’activité partielle sur le site dédié du gouvernement activitepartielle.emploi.gouv.fr.

 

  • Les spécificités de l’arrêt pour les personnes vulnérables

Si le salarié se trouvait jusque-là en arrêt de travail par mesure de précaution (au titre des recommandations du Haut Conseil de la Santé publique en raison de son profil de santé dit « vulnérable » ou parce qu’il cohabite avec une personne à protéger) et qu’il ne peut pas reprendre son activité à compter du 1er mai, il doit également être placé en activité partielle.

Là encore, son employeur devra l’en informer.

L’Assurance maladie indique en outre que :

  • le salarié doit remettre à son employeur un certificat d’isolement, qui lui aura été adressé par l’Assurance Maladie ou établi par un médecin de ville ;
  • l’employeur effectue un signalement de reprise anticipée d’activité via la DSN pour les arrêts en cours dont le terme est fixé postérieurement au 30 avril ;
  • l’employeur procède à une déclaration d’activité partielle sur le site du gouvernement activitepartielle.emploi.gouv.fr.

Le certificat d’isolement évoqué ne comporte pas de terme. Il est prévu que la date de sortie de l’isolement pour les personnes concernées sera fixée par décret. Jusqu’à cette date, le salarié sera donc éligible à l’activité partielle.

En conclusion, la crise sanitaire avait instauré plusieurs mesures, dont des arrêts de travail dérogatoires, propres à faire respecter le confinement dans le respect des droits des salariés. Aujourd’hui et au motif d’une meilleure indemnisation, les pouvoirs publics abrogent ces arrêts dérogatoires en faisant basculer les salariés concernés dans le dispositif d’activité partielle. Ce basculement devra toutefois faire l’objet, si ce n’est d’une autorisation par la Direccte, du moins d’une déclaration de l’employeur sur la plateforme d’activité partielle et ce, alors même que l’entreprise pouvait fonctionner jusque-là sans le moindre recours à l’activité partielle.

 

  • Quid du décompte de ces salariés dans le volume global d’activité partielle ?

Les entreprises ayant eu recours, jusque-là, au chômage partiel ont effectué leur demande par rapport à un volume global d’heures chômées indemnisables et un nombre de salariés potentiellement couverts.

Or, le basculement automatique des salariés qui disposaient jusque-là d’arrêts de travail dérogatoires dans le dispositif d’activité partielle risque d’entraîner un dépassement, parfois sensible, de l’enveloppe d’heures initialement soumise à la Direccte.

Faute de précisions, nous ignorons à ce stade si l’entreprise devra modifier sa demande initiale ou si cette catégorie spéciale de salariés en activité partielle sera décomptée à part.

S’agissant de salariés ne répondant pas aux conditions habituelles du chômage partiel ni à la « demande » d’autorisation normalement prévue, il y aurait lieu de considérer que le volume d’heures chômées entraîné par ces salariés devrait être décompté distinctement et à part du volume global initialement défini.

Nous attendons sur ce point des précisions règlementaires.