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La clause limitative de responsabilité a ses limites !

07 novembre 2018 | Derriennic Associés |

 

Résumé : Une clause contractuelle limitative de responsabilité au montant payé par le client, si elle conduit, au vu du risque encouru en cas de mauvaise exécution de la prestation, à fixer un plafond d’indemnisation dérisoire peut être assimilée à une exclusion de garantie et son application écartée par les juges.

Une société de sécurité vend à une bijouterie un abonnement d’un montant d’environ 1000€HT/an pour un système de détection d’intrusion et de vidéoprotection, incluant en particulier la faculté de surveillance en temps réel via une application mobile et leur maintenance. Le prestataire se plaint d’impayés de redevances et obtient une injonction de payer à laquelle le client forme opposition en demandant reconventionnellement le paiement de dommages et intérêts (environ 150.000€), la bijouterie ayant été victime d’un vol alors que la prestation de vision à distance était défaillante.

Les parties s’opposent notamment sur la responsabilité du prestataire et l’application, si elle était retenue, de la clause limitative de responsabilité aux montants payés par le client.

S’agissant de la responsabilité, pour la Cour, le prestataire, en sa qualité de professionnel spécialisé dans les solutions de sécurité a manqué à son obligation de conseil et d’information et à son obligation de moyens dans la maintenance. Les juges vont considérer que l’absence de fourniture du visionnage à distance est exclusivement imputable au prestataire.

Pour autant, si la faute du prestataire a facilité la réalisation du vol en ne permettant pas de surveiller les lieux en temps réel, il n’est pas prouvé que le service aurait empêché le vol : la carence du prestataire a entrainé une perte de chance d’éviter le vol mais ne peut aboutir à lui imputer la totalité du préjudice subi. Les juges évalueront ce préjudice à 10.000€, auquel sera ajouté un préjudice de « tracas » du fait des démarches entreprises d’environ 1000€, soit au total 11.000€, montant supérieur au plafond d’indemnisation contractuel.

La Cour rappelle que les clauses limitatives de responsabilité sont en principe valables : les parties sont libres de prévoir à l’avance qu’en cas de mauvaise exécution, l’indemnité sera plafonnée à une somme qu’elles déterminent ; cependant elles sont considérées comme abusives qui si elles créent un déséquilibre significatif ou si le montant de l’indemnité fixée apparaît comme dérisoire et peut donc être assimilé à une exclusion de garantie.

En l’espèce, l’application de la clause conduit à fixer un plafond de garantie contractuelle à environ 1300€HT par an, correspondant aux redevances prévues, alors que la prestation de maintenance d’un système de sécurité revêt nécessairement un caractère essentiel pour le client au regard des enjeux financiers en cas de vol ; un tel système ne peut être efficace dans la durée que s’il fait l’objet de travaux de maintenance rigoureux de nature à prévenir la panne, la pérennité du système étant bien un élément essentiel dans le choix du client sans lequel il n’aurait pas contracté. L’exigence est d’autant plus grande qu’elle concerne un professionnel averti en matière de système de sécurité.

Ainsi, au regard du risque encouru en cas de mauvaise exécution de la prestation de maintenance, le montant de la clause limitative d’indemnisation prévu au contrat doit être considéré comme dérisoire et peut être assimilée à une exclusion de garantie ; l’application de la clause est écartée par la Cour d’appel et le prestataire condamné à payer.