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La géolocalisation du personnel de la mairie de Gérone – Une pratique sanctionnable !

15 février 2018 | Derriennic Associés|

La mairie de la ville de Gérone, en Catalogne, aurait mis en place un système de géolocalisation sur le personnel assurant le nettoyage de la voirie. S’agit-il d’une pratique sanctionnable par l’autorité espagnole ? La question de la légalité d’une telle action, si elle avait lieu en France, mérite également d’être posée.

La municipalité de Gérone aurait obligé ses employés à porter une balise GPS dans leur poche de pantalon. L’objectif affiché de la mairie, notamment par la voix de sa maire adjointe, ne serait pas de contrôler le personnel, mais d’améliorer l’information destinée aux habitants, qui pourront savoir si leur rue a été nettoyée ou pas.

En premier lieu, il convient en rappeler qu’une telle géolocalisation constitue un traitement de données à caractère personnel soumis à un certain nombre d’obligations, dont l’information des personnes concernées. Ces personnes doivent également être en mesure de s’opposer au traitement en invoquant des motifs légitimes.

En France, pour rappel, l’article 6 de la loi n°78-17 du 6 janvier 1978 impose que les données soient traitées de manière loyale et licite. De plus, le traitement d’informations relatives aux employés doit être proportionné à la finalité déclarée, c’est-à-dire qu’il doit s’effectuer de façon adéquate, pertinente, non excessive et strictement nécessaire à l’objectif poursuivi. On peut douter en l’espèce du caractère adéquat et non excessif du traitement. En effet, il est facile d’imaginer d’autres moyens plus adaptés pour que les habitants soient mieux informés du nettoyage de leur rue, à commencer par un système de déclaration à l’initiative des salariés.

La question de la finalité du traitement a également ici une grande importance. Si la CNIL a par exemple admis la licéité des dispositifs de géolocalisation de véhicules des salariés à des fins de facturation de prestations de transports ou de sécurité de l’employé, elle indique néanmoins que ce type de traitement de données ne peut avoir lieu à des fins de suivi du temps de travail que lorsque cela ne peut être réalisé par un autre moyen. Selon l’arrêt récent du Conseil d’Etat du 15 décembre 2017, des documents déclaratifs constitueraient un tel moyen. On voit mal, dans ces conditions, comment justifier le suivi du temps de travail au moyen d’un dispositif de géolocalisation.

De plus, dans sa norme simplifiée n°51 sur la géolocalisation de véhicules des employés, la CNIL impose aux employeurs de donner aux salariés la possibilité de désactiver la fonction de géolocalisation, en particulier à l’issue de leur temps de travail ou pendant leur pause.

Enfin, l’article 226-21 du Code pénal sanctionne le fait, par toute personne détentrice de données à caractère personnel à l’occasion de leur enregistrement, de leur classement, de leur transmission ou de toute autre forme de traitement, de détourner ces informations de leur finalité telle que définie par la disposition législative, l’acte réglementaire ou la décision de la Commission nationale de l’informatique et des libertés autorisant le traitement automatisé, ou par les déclarations préalables à la mise en œuvre de ce traitement.

Ainsi, dès lors que l’employeur utilise un mécanisme de géolocalisation sur ses salariés avec pour finalité déclarée d’« améliorer l’information destinée aux habitants », et qu’il utilise in fine ce mécanisme à des fins de surveillance, il se rend coupable de cette infraction, qui est punie de cinq ans d’emprisonnement et de 300 000 euros d’amende.

On a donc tout lieu de penser que la mairie de Gérone va se faire sanctionner par l’autorité de contrôle locale (l’Agence de Protection des Données de la Catalogne) et qu’un tel dispositif va être rapidement interdit.