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L’estoppel en procédure prud’homale

01 décembre 2015 | Sabine SAINT-SANS| Miroir Social

Le principe selon lequel « nul ne peut se contredire au détriment d’autrui » (dit « estoppel ») ne s’applique pas lorsque la contradiction du salarié se manifeste dans deux actions judiciaires distinctes – Cass. soc., 22 septembre 2015, n° 14-16947

« Qu’en statuant ainsi, alors que l’action engagée devant la juridiction prud’homale était distincte de celle qui s’était terminée par un jugement définitif rendu par le tribunal d’instance, la cour d’appel a violé le principe et le texte susvisés ».

Le 15 novembre 2001, M. X était licencié par son employeur, l’Union nationale des mutuelles des retraites des instituteurs et des fonctionnaires de l’Éducation nationale (UNMRIFEN). Une transaction était seulement quelques jours plus tard régularisée entre les parties, le 20 novembre 2001.

Le 23 décembre 2010, M. X saisissait la juridiction prud’homale afin que cette transaction soit déclarée nulle.

La Cour d’appel déclarait la demande de M. X irrecevable dans la mesure où il s’était contredit au détriment de l’UNMRIFEN.

En effet, devant la Cour d’appel, M. X faisait valoir que l’UNMRIFEN avait la qualité d’employeur alors que devant le tribunal d’instance, dans le cadre d’un précédent litige locatif entre les parties, il avait soutenu qu’il n’était lié par aucun contrat de travail avec l’UNMRIFEN de sorte qu’elle ne pouvait invoquer la fin de leur relation à ce titre pour obtenir son expulsion de l’appartement mis à sa disposition.

La Cour de cassation casse cet arrêt pour le motif que l’action engagée devant la juridiction prud’homale était distincte de celle qui s’était terminée par un jugement définitif rendu par le tribunal d’instance.

  • Cette décision illustre une nouvelle fois les réticences de la Cour de cassation à appliquer un principe juridique initialement développé dans le cadre de contentieux commerciaux internationaux.

Toutefois, il nous semble opportun de relever que cet arrêt ne ferme pas la porte à l’application de l’estoppel en procédure prud’homale dans la mesure où, dans l’espèce en question, la contradiction avait eu lieu dans le cadre de deux actions différentes. L’estoppel pourrait donc s’appliquer dans l’hypothèse où un salarié se contredirait au détriment de son employeur dans le cadre d’une même action prud’homale (entre la première instance et l’appel, par exemple).

En tout état de cause, il convient à notre sens de persister à soulever l’estoppel dès que possible afin d’isoler juridiquement les contradictions d’un salarié et donc attirer spécifiquement l’attention des juges sur ce point.

Si l’estoppel est accordé, la sanction est immédiate : les demandes du salariés seront déclarées irrecevables, l’estoppel constituant une fin de non-recevoir au sens de l’article 122 du Code de procédure civile.

Si l’estoppel est rejeté, les juges auront néanmoins en tête les contradictions du salarié avant de statuer sur le fond.

À notre sens, l’estoppel constitue donc, pour les employeurs, un véritable moyen juridique, plus fort que les simples arguments de fait relatifs à la mauvaise foi du salarié.

 

Tags: estoppel, fin de non recevoir, procédure prud’homale