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MESURES COVID 19 – Focus : le télétravail à l’épreuve du Coronavirus

19 mars 2020 | Derriennic Associés|

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  • Définition : télétravailler, c’est obligatoire !

Il s’agit de toute forme d’organisation du travail dans laquelle un travail, qui aurait également pu être exécuté dans les locaux de l’employeur, est effectué par un salarié hors de ces locaux de façon volontaire en utilisant les technologies de l’information et de la communication.

Il s’agit donc, pour le salarié, d’utiliser depuis chez lui l’ordinateur portable, le téléphone ou encore la tablette mis à disposition par l’entreprise ainsi qu’internet afin de pouvoir travailler à distance.

Le télétravail est désormais facilité par le développement des NTIC pour plusieurs millions de salariés, même si les DSI ont pu être pris un peu de court ces derniers jours sur la mise à disposition des outils numériques et les besoins de vérification nécessaires à la sécurité et à la disponibilité des services pour un tel volume de connexions à distance.

Les mesures de confinement imposées par le Covid 19 rendent de faitobligatoire le recours au télétravail. Ainsi, le Ministère du travail a énoncé que « Il est impératif que tous les salariés qui peuvent télétravailler recourent au télétravail jusqu’à nouvel ordre ». Muriel Pénicaud, la Ministre, ajoute que « Cela n’est pas une option. Si vous êtes salarié et que votre travail peut être fait en télétravail, il faut rester chez vous. C’est un droit automatique ». « L’employeur ne peut pas refuser ».

Notons qu’en temps normal, l’employeur peut refuser la demande de télétravail formulée par un salarié dès lors qu’il motive sa réponse. Le contexte actuel implique qu’en cas de refus de l’employeur et dès lors que le poste est éligible au télétravail, l’entreprise s’exposera au droit de retrait du salarié, outre d’éventuels dommages-intérêts en raison de l’obligation de sécurité incombant à toute entreprise.

 

  • Champ d’application : suis-je concerné ?

Sont excluesdu télétravail toutes les tâches qui, par nature, ne peuvent être effectuées à domicile. Il s’agit des tâches devant être effectuées :

– chez un client (visite d’un commercial, intervention d’un technicien de maintenance…) ;

– sur un chantier (métiers du bâtiment et des travaux publics) ;

– au moyen de machines ou d’outils ne pouvant se trouver ailleurs qu’au lieu de travail du salarié. Ex : les activités traditionnelles de production ou d’artisanat. On pense également ici, dans la branche Syntec, à la situation du salarié ne pouvant se connecter à distance chez le client, soit par refus de ce dernier soit par faiblesse de sa puissance machine.

∆ Dans ce dernier cas, il n’apparaît pas davantage possible pour le salarié de se rendre sur son lieu de travail. Dès lors, celui-ci devra être affecté sur une autre mission ou, à défaut, faire l’objet d’une mesure d’activité partielle s’il se trouve dans une situation similaire à plusieurs de ses collègues.

Notons que le télétravail peut s’effectuer à domicile ou en un local mis spécialement à disposition. Dans le contexte actuel d’épidémie, seul le travail à domicile est visé par le télétravail.

 

  • Procédure préalable : comment dois-je faire ?

Le télétravail suppose normalement un accord collectif ou, à défaut, une charte élaborée par l’employeur après avis du CSE, s’il existe.

Ce document prévoit notamment les modalités concrètes de passage au télétravail, de contrôle du temps de travail des télétravailleurs ainsi que les plages horaires de contact par l’employeur.

En l’absence d’accord collectif ou de charte,le salarié et l’employeur peuvent convenir de recourir au télétravail en formalisant leur accord par tout moyen. Un email peut suffire.

∆ Et si le salarié refuse ? En cas de circonstances exceptionnelles,notamment de menace d’épidémie, ce qui est le cas du Covid 19, l’employeur peut mettre en œuvre le télétravail sans l’accord des salariés, cette mesure étant assimilée à un aménagement du poste rendu nécessaire pour permettre la continuité de l’activité et garantir la protection des salariés (C. trav. art. L 1222-11). Dans ce contexte, aucun formalisme particulier n’est prévu (QR Ministère du travail, n° 12).

 

  • Mise en œuvre : conserver le lien

Le télétravailleur continue de travailler. Il dispose donc des mêmes droits que le salarié exécutant ses fonctions dans les locaux de l’entreprise.

Les intéressés sont légitimes à recevoir une formation sur les outils techniques mis à leur disposition pour télétravailler.

L’employeur doit en outre rappeler aux salariés concernés les règles de sécurité applicables au télétravail, notamment sur l’utilisation des écrans de visualisation. La charge de travail doit également être contrôlée. Enfin, l’ANI du 19 juillet 2005 incite l’employeur à lutter contre l’isolement du salarié. Il convient donc, compte tenu du contexte actuel, de s’entretenir au moins par téléphone régulièrement afin de maintenir le lien. Ce point de vigilance doit être mis en balance avec le respect de la vie privée et l’intérêt de définir des plages horaires de contact du salarié.

Bien que les ordonnances du 24 septembre 2017 aient supprimé l’obligation de prise en charge par l’employeur de tous les coûts découlant du télétravail (matériels, logiciels, abonnements, communications et outils ainsi que de la maintenance de ceux-ci), il ne faut pas écarter pour autant la prise en charge de tous frais dès lors que la Cour de cassation impose une telle prise en charge à toute dépense pouvant être qualifiée de frais professionnels(Cass. soc., 19 sept. 2013, no12-15137).

La Cour de cassation prévoit également que l’occupation, à la demande de l’employeur, du domicile du salarié à des fins professionnelles constitue une immixtion dans la vie privée de celui-ci, de sorte que ce dernier doit être indemnisé de cette sujétion particulière (Cass. soc. 11 juil. 2012 n° 10-28847). Cependant, cette jurisprudence, constante depuis 2010, vise chaque fois l’hypothèse où la demande de télétravail est formulée par l’employeur. Cette hypothèse n’est pas celle du contexte actuel où le télétravail est rendu obligatoire par le confinement imposé du Gouvernement face au Coronavirus. Dès lors et à notre sens, aucune indemnité mensuelle d’occupation ne nous semble devoir être due au télétravailleur.

Enfin, notons que le télétravail, en tant que mode d’exercice du travail, peut parfaitement se conjuguer avec la mise en activité partielle de l’entreprise dans l’hypothèse où celle-ci s’inscrit dans le cadre d’une réduction de la durée de travail des salariés.

Pour de nombreux parents par exemple, il n’est pas simple dans le contexte actuel de concilier la garde d’enfants en bas âge avec l’exercice à temps plein de leur activité professionnelle derrière l’ordinateur

En conclusion, la souplesse du télétravail tel qu’il est aujourd’hui permet aux entreprises de l’appliquer aisément sans formalisme lourd et ce, afin de concilier la poursuite de l’activité et le confinement rendu nécessaire face au Covid 19. Bien que certaines difficultés pratiques devraient se poser, la majorité des cas pourra être résolu et mis en œuvre sans difficulté, pour peu que les entreprises restent vigilantes et maintiennent le lien avec les intéressés.