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Professionnels du référencement, attention au choix des mots clés !

26 juillet 2017 | Derriennic Associés|

 

Cour d’appel de Paris, Pôle 5, Chambre 10, Arrêt du 6 juin 2017, Répertoire général nº 15/03952

Le prestataire, professionnel des noms de domaine, a parfaitement connaissance de l’interdiction de faire usage d’une marque déposée à la différence de son client, non spécialisé, qui doit en être informé. Il doit s’acquitter du préalable consistant à s’assurer de la disponibilité des mots clés et ne pas s’engager à fournir une prestation exposant son client à des poursuites en contrefaçon.

En juin 2011, une société de manutention conclut un contrat de prestations relatives à son site internet, portant notamment sur l’achat d’espaces publicitaires dans les moteurs de recherches et annuaires ainsi que le référencement “naturel” du site. Les parties retiennent une liste de “mots clés naturels” incluant, en plus de mots génériques liés à l’activité, les marques du principal concurrent. Le client s’engage pour 4 ans, moyennant des échéances mensuelles et signe en juillet 2011 le procès-verbal de réception du site internet avec acceptation des conditions générales du prestataire qui précisent que le prestataire est débiteur d’une obligation de moyen, et non d’une obligation de résultat, le client étant informé de ce que certaines prestations (ex : référencement) sont tributaires de nombreux paramètres techniques, technologiques ou autres que le prestataire ne peut maîtriser.

Après paiement de 10 mensualités, le client en mars 2012 reçoit un courrier du concurrent propriétaire des marques lui reprochant d’en faire usage sur internet, arguant que leur reproduction dans les codes sources du site internet à titre de mots clés générant son référencement dans les moteurs de recherches est illicite et constitutive de contrefaçon. Les références aux marques sont retirées et le client résilie le contrat avec son prestataire qui l’assigne en paiement du solde.

Le 12 novembre 2014, le Tribunal de commerce de Paris condamne le client à payer : Il avait signé le procès-verbal de livraison et de conformité du site ainsi que son référencement sans émettre de réserve ; le choix des mots-clés figurant sur le contrat était défini conjointement avec le client, parfaitement d’accord pour l’utilisation des marques litigieuses, le client étant même à l’origine du choix desdits mots-clés.

Le client interjette appel, considérant que le prestataire a failli dans sa mission et que la suppression des « mots clefs » a eu pour effet de remettre en l’état le site internet, le contrat n’ayant donc plus d’objet. Selon lui le prestataire a commis une faute inexcusable de la part d’un « spécialiste » mettant le client dans une situation très délicate à l’égard du principal acteur intervenant dans son secteur d’activité.

Les juges d’appel vont considérer qu’en tant que société spécialisée débitrice d’une obligation de moyens la société « expert en communication Web » aurait dû s’acquitter du préalable consistant à s’assurer de la disponibilité des termes et ne pas s’engager à fournir une prestation exposant son client à des poursuites en contrefaçon; un professionnel des noms de domaine a parfaitement connaissance de l’interdiction de faire usage d’une marque déposée à la différence de son client, non spécialisé, qui doit en être informé. Du fait de cette suppression, le contrat a été vidé de sa substance et le client est bien fondé à se prévaloir de l’article 1184 (ancien) du code civil et à opposer l’exception d’inexécution.

La cour infirme donc le jugement, déboute le prestataire de sa demande de paiement des échéances postérieures à la date à compter de laquelle le contrat est devenu sans objet mais rejette la demande de dommages et intérêts du client, ce dernier ne justifiant pas de son préjudice commercial complémentaire.

Nous noterons que cette décision, si elle est dans la ligne de la jurisprudence de la cour d’appel de Paris (voir CA Paris, Pôle 5, 19 mars 2014 Artdesign c/ Steenovel, RG 12/18656), est plus surprenante au regard tant de la jurisprudence de la CJUE (voir CJUE 23 mars 2000, Google C-236-237-238/08) que de décisions françaises récentes (voir TGI Paris 3e ch. 26 février 2016 3ème ch, 26 février 2016, Sapia c/ Humanis Prévoyance, APGIS. ; TGI Lyon 17 janvier 2017 3e ch.17 janvier 2017, Julia Press et M. X. c/ Decathlon France et Soderumo) qui appliquent le critère de visibilité pour définir si la mention d’une marque tiers dans les méta-tags/codes sources d’un site est ou non constitutive de contrefaçon.