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Rupture abusive d’un contrat légalement formé aux torts du prestataire

07 janvier 2020 | Derriennic Associés|

CA Aix-en-Provence, ch. 3-2, 31 oct. 2019, n° 16/03808

Une société, dont l’activité est la fabrication d’appareils électriques basse tension, a établi un cahier des charges relatif à la construction d’un banc de test destiné à contrôler ses produits à l’issue de leur fabrication.

Le 19 avril 2011, la société KGS lui a transmis un devis intitulé « étude et réalisation d’un banc de contrôle semi-automatique ».

La cliente a passé commande du banc de contrôle par courriel du 10 mai 2011. Le 30 juin 2011, le prestataire a adressé son offre définitive à sa cliente qui l’a acceptée le même jour et lui a versé un acompte de 25.000 euros représentant 20% du prix.

Le 6 septembre 2011, le prestataire a envoyé à sa cliente une lettre recommandée afin de « décliner cette commande » et de restituer l’acompte « dans les plus brefs délais… ». La cliente a mis en demeure son cocontractant de lui restituer l’acompte et de lui payer une indemnité de 38.000 euros en réparation du préjudice subi à la suite de la rupture abusive du contrat.

N’ayant pas obtenu satisfaction, elle a assigné son cocontractant devant le tribunal de commerce de Grasse.

Après avoir ordonné, par jugement avant-dire droit, une expertise, le tribunal de commerce de Grasse, par jugement du 18 janvier 2016, a :

  • — débouté de toutes ses demandes la société KGS devenue KHTP,
  • — condamné la société KGS devenue KHTP à payer à la société Y la somme de 000 euros à titre de dommages-intérêts,
  • — ordonné l’exécution provisoire de la décision,
  • — condamné la société KGS devenue KHTP aux entiers dépens et au paiement à la société Y de la somme de 10.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Le prestataire a interjeté appel de cette décision au motif qu’il ne « disposait pas d’informations suffisantes pour mener à bien ses prestations », que « malgré ses demandes répétées et insistantes, la société Y ne lui a fourni que des informations partielles et incomplètes de sorte qu’elle s’est trouvée dans l’impossibilité de fabriquer le banc de test commandé ».

La société Y soutient de son côté qu’il y a bien eu accord des parties sur la chose et sur le prix et que la rupture brutale et abusive du contrat par le fournisseur lui a causé un lourd préjudice.

Sur la formation du contrat:

Cette proposition s’analyse en une offre suffisamment ferme et précise pour caractériser la volonté de la société KGS de contracter. Cette offre comprenait en effet les éléments essentiels du contrat envisagé, notamment le descriptif détaillé du banc de contrôle et son prix.

Les premiers juges ont donc à juste titre estimé qu’il y avait accord sur la chose et sur le prix et leur décision sera sur ce point confirmée.

Sur la validité du contrat:

Selon l’appelante, « seule la fourniture complète de données techniques et numériques par la cliente pouvait permettre à la société KGS d’élaborer et de mettre au point un programme informatique destiné à fabriquer un banc de contrôle automatisé ».

L’expert a constaté un décalage entre le besoin réel de la cliente et l’interprétation qu’en a fait son fournisseur et que les informations transmises par la société Y avant le 30 mars 2011 auraient dû largement suffire. Le prestataire a donc inversé les rôles en exigeant de sa cliente de connaître des précisions de mesure qu’elle était bien incapable de fournir de manière détaillée.

Aucun vice du consentement n’est donc à déplorer.

Sur la responsabilité contractuelle et le préjudice:

En n’honorant pas son engagement, le prestataire a commis une faute et sera tenu à réparer le dommage qui en est résulté pour sa cocontractante.

La société Y a estimé le montant de son préjudice à la somme de 160.760 euros comprenant l’estimation de la perte de temps de production, le temps passé en réunion et en expertise, la hausse du prix d’un banc de test équivalent et un préjudice moral.

La Cour condamne le prestataire à payer à la société Y la somme de 44.000 euros à titre de dommages-intérêts.

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