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SMS : moyen de preuve illicite

21 avril 2015 | Sabine SAINT SANS| FOCUS RH

En matière d’actualité jurisprudentielle, une décision de la Cour de cassation porte sur les SMS envoyés du téléphone mobile professionnel du salarié, et la possibilité pour l’employeur de les consulter. Décryptage.

Les SMS envoyés du téléphone mobile professionnel peuvent être consultés par l’employeur dès lors qu’ils ne sont pas identifiés comme étant personnels. Ceci fait suite à une décision de justice datée de février (Cass. Com. 10 Février 2015 n°13-14779) :

« Mais attendu que les messages écrits (« short message service » ou SMS) envoyés ou reçus par le salarié au moyen du téléphone mis à sa disposition par l’employeur pour les besoins de son travail sont présumés avoir un caractère professionnel, en sorte que l’employeur est en droit de les consulter en dehors de la présence de l’intéressé, sauf s’ils sont identifiés comme étant personnels ; qu’il en résulte que la production en justice des messages n’ayant pas été identifiés comme étant personnels par le salarié ne constitue pas un procédé déloyal au sens des articles 9 du code civil et 6, paragraphe 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales rendant irrecevable ce mode de preuve ; qu’ayant retenu que les SMS à caractère non marqué « personnel » émis et reçus sur du matériel appartenant à la société Newedge étaient susceptibles de faire l’objet de recherches pour des motifs légitimes et que l’utilisation de tels messages par l’employeur ne pouvait être assimilée à l’enregistrement d’une communication téléphonique privée effectué à l’insu de l’auteur des propos invoqués, la cour d’appel, qui n’était pas tenue de procéder à la recherche inopérante invoquée à la deuxième branche, et abstraction faite des motifs surabondants critiqués par la première branche, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n’est pas fondé ».

Nos commentaires

C’est à l’occasion d’un contentieux en concurrence déloyale, et plus particulièrement, en matière de débauchage, que la Cour de cassation a eu l’occasion de se prononcer sur la recevabilité comme mode de preuve des SMS envoyés depuis le téléphone mobile professionnel d’un salarié. Dans cette affaire, une société soupçonnait l’une de ses concurrentes d’être responsable de la désorganisation de son activité et d’avoir procédé à un débauchage massif de ses salariés.

Elle a donc saisi le juge d’une requête aux fins d’être autorisée à collecter des éléments susceptibles de démontrer le débauchage en question par voie d’huissier, les opérations de constat de l’huissier portant notamment sur les outils de communication mis à la disposition de ses anciens salariés. L’huissier a notamment collecté des échanges par SMS envoyés des téléphones mobiles professionnels des salariés.

La Société faisant l’objet du constat a saisi le juge d’un référé-rétractation, qui a été rejeté en première instance, puis en appel, la Cour d’appel retenant notamment que les SMS envoyés d’un mobile professionnel, dès lors qu’ils n’étaient pas libellés comme étant personnels, pouvaient être consultés par l’employeur.

La chambre commerciale de la Cour de cassation était donc saisie de la question de savoir si un employeur était fondé à collecter et à utiliser à titre de preuve les SMS envoyés depuis le téléphone mobile professionnel de ses salariés.

La Société ayant fait l’objet du constat soutenait notamment que :

Certes, la charte d’utilisation des moyens de communication électronique de l’entreprise précisait que ceux-ci pouvait être archivés et consultés par le département Conformité, mais que la définition des « moyens de communication électronique » n’incluait pas les SMS. En retenant que les SMS pouvaient eux aussi faire l’objet d’une consultation, la Cour aurait dénaturé les documents dont elle devait faire l’appréciation. Il était impossible de libeller les SMS comme « personnels », ceux-ci ne contenant pas, au contraire des emails, un champ « objet ». Elle en déduisait que la limite tracée par la Cour d’Appel consistant à considérer que seuls les emails libellés comme personnels étaient exclus de l’autorisation pour l’employeur de consulter librement les SMS envoyés du mobile professionnel était insuffisante à assurer et à garantir le respect de la vie privée et du secret des correspondances.
Elle ajoutait qu’il n’était ni soutenu, ni prouvé que l’employeur avait interdit aux salariés d’utiliser leur mobile professionnel en dehors des heures de travail et à des fins personnelles et que la consultation des SMS envoyés du mobile professionnel s’opérait à l’insu de leurs émetteurs et de leurs destinataires. Elle en déduisait qu’il s’agissait d’un procédé de preuve déloyal rendant cette preuve irrecevable en justice.
Dans la même veine de sa jurisprudence relative à la consultation des emails adressés d’un ordinateur mis à la disposition du salarié, la Cour de cassation juge que l’employeur peut, sans violer les dispositions protectrices de la vie privée et du secret des correspondances, consulter et même produire en justice les SMS envoyés d’un mobile professionnel dès lors qu’ils ne sont pas libellés comme étant personnels.

Afin d’échapper aux contestations sur la manière dont ces SMS ont été consultés, il nous semble néanmoins impératif de diligenter au préalable une procédure sur requête aux fins d’être autorisé par un juge à procéder à ce constat, avec l’appui d’un huissier de justice, comme c’était le cas en l’espèce.

 

Tags: mobile professionnel, SMS