
A la suite d’une ordonnance de rejet de la demande de mainlevée de la saisie-contrefaçon réalisée dans le litige opposant la société TOPO-LOG, éditrice du logiciel « Marbre », à DIGITALBOX, qu’elle accuse d’actes de contrefaçon, la 3ème chambre du Tribunal judiciaire de Paris s’est prononcée sur les mesures de confidentialité demandées par DIGITALBOX au titre du secret des affaires.
TOPO-LOG avait obtenu l’autorisation de procéder à une saisie-contrefaçon au siège de DIGITALBOX ; une mesure contestée par cette dernière, qui demandait :
- La rétractation de l’ordonnance, la mainlevée de la saisie, et la restitution des éléments saisis ;
- A titre subsidiaire, la modification de l’ordonnance pour placement sous séquestre des pièces saisies.
Par une première ordonnance du 19 juillet 2024, le Tribunal judiciaire de Paris a rejeté les demandes de mainlevée de la saisie et de rétractation de l’ordonnance, et a enjoint à DIGITALBOX, en vertu de l’article R. 153-3 du Code de commerce, de lui communiquer les éléments de nature à lui permettre de se prononcer sur des mesures de confidentialité sollicitées par DIGITALBOX, c’est-à-dire :
- La version confidentielle des pièces pour lesquelles elle invoque la protection du secret des affaires ;
- La version non-confidentielle ou résumée de ces pièces ;
- Un mémoire précisant les motifs qui confèrent à ces pièces le caractère d’un secret des affaires.
Le Tribunal était ainsi amené, par la présente ordonnance, à se prononcer sur les mesures de confidentialité sollicitées par DIGITALBOX.
Or, il ressort que DIGITALBOX a fourni des documents non-exploitables : en version intégrale, sans explications suffisantes et, pour certaines, par le biais de liens que le juge n’a pu ouvrir.
Sur la protection du secret des affaires revendiquée par DIGITALBOX
Conformément aux dispositions de l’article L. 151-1 du Code de commerce, la protection des informations au titre du secret des affaires exige de démontrer que celles-ci répondent à trois critères :
- Ne pas être généralement connue, ni facilement accessible dans le secteur d’activité concerné ;
- Avoir une valeur commerciale liée à son caractère secret ;
- Être raisonnablement protégée par son détenteur légitime.
Aux termes de l’article L. 153-1 du Code de commerce, le juge peut, à l’occasion d’une instance ayant pour objet une mesure d’instruction et lorsqu’il est allégué que la communication ou la production d’une pièce est de nature à porter atteinte au secret des affaires, prendre certaines mesures pour assurer la confidentialité des informations (notamment, en prenant connaissance seul de certaines pièces, en ordonnant une expertise et/ou sollicitant l’avis des parties, en limitant la communication ou production de la pièce à certains de ses éléments ou sous forme de résumé, en restreignant l’accès, en décidant que les débats auraient lieu en chambre du conseil, et/ou en adaptant la motivation de sa décision et les modalités de publicité de celle-ci).
Or, pour bénéficier de ces mesures, l’article R. 153-3 du Code de commerce impose à la partie qui revendique le bénéfice de cette protection, à peine d’irrecevabilité, de communiquer au juge les éléments nécessaires à lui permettre de se prononcer sur cette protection (pour rappel, une version confidentielle intégrale de la pièce, une version non-confidentielle ou résumée, et un mémoire précisant les motifs qui lui confèrent un caractère secret).
C’est sur ce fondement que le juge a refusé les mesures de confidentialité sollicitées par DIGITALBOX ; en l’espèce, le mémoire transmis par cette dernière se limitait à des généralités et affirmations non étayées sur les textes applicables et le risque de perdre un avantage concurrentiel, sans liste ou exemple précis. De plus, aucune version non-confidentielle des pièces n’était versée.
Le juge, relevant ainsi la carence de DIGITALBOX, rejette les mesures de confidentialité sollicitées par cette dernière au titre du secret des affaires et ordonne la remise des pièces saisies à TOPO-LOG.
Sur les mesures alternatives de tri ordonnées par le juge
A titre subsidiaire, DIGITALBOX sollicitait la communication des pièces dans un cercle de confidentialité.
Au regard du volume considérable de pièces saisies – y compris de documents techniques et commerciaux contenant des informations susceptibles de revêtir une valeur stratégique ou commerciale – le juge reconnaît qu’il était difficile pour DIGITALBOX de respecter les exigences de l’article R. 153-3 du Code de commerce.
Le Tribunal ordonne ainsi qu’un tri des pièces soit effectué dans un cercle de confidentialité pour désigner (i) quels documents sont utiles à la détermination de la contrefaçon alléguée, et (ii) les conditions dans lesquelles ces documents seront communiqués. Le cercle doit se réunir dans le mois suivant l’ordonnance, le tri devant être achevé sous 15 jours.
Le juge refuse cependant de confier, comme le demandait DIGITALBOX, le tri à un expert et d’écarter la présence d’un représentant de chaque partie.