
Cass. 1ère civ, 26 février 2025, n°23-22.386
Selon la Cour de cassation, la Cour d’appel de Paris qui devait se prononcer sur une demande de retrait et de blocage d’un contenu prétendument diffamatoire, aurait dû rechercher pour se prononcer « si les demandes de retrait et de blocage n’étaient pas justifiées par les condamnations pour diffamation publique déjà prononcées », au sujet de propos identiques.
Le refus de prononcer des mesures de retrait et de blocage du contenu par la Cour d’appel de Paris
Les faits : Le secrétaire particulier du roi du Maroc avait été accusé par un champion du monde de boxe thaïe de menaces de mort, dans le cadre de diverses publications en ligne.
La personne visée par les propos avait en conséquence assigné l’auteur des propos devant le Tribunal de grande instance de Paris sur le fondement de diffamation publique envers un particulier. Elle avait obtenu gain de cause.
Par la suite, des propos identiques aux propos condamnés sont réapparus sur la plateforme Twitter. Leur auteur, usant d’un pseudonyme, était demeuré anonyme.
Le destinataire des menaces a donc, à plusieurs reprises, demandé à la plateforme X (anciennement Twitter), de retirer les propos litigieux et identiques à ceux ayant déjà été jugés diffamatoires, mais sans succès.
Elle a donc assigné X selon la procédure accélérée au fond, comme le permet la Loi pour la confiance dans l’économie numérique depuis 2021, afin d’obtenir le prononcé de mesures (i) de retrait du contenu litigieux et (ii) de blocage, pour une durée de trente ans, de toute publication contenant un message identique.
Après le rejet des demandes par le Tribunal de grande instance, la Cour d’appel de Paris jugé dans le même sens en considérant que, compte tenu des difficultés de qualification de la diffamation en raison notamment de la possibilité (i) de rapporter la vérité des propos, ou (ii) d’invoquer l’excuse de bonne foi, aucun débat contradictoire ne pouvait se tenir en l’absence de l’auteur des propos poursuivis.
Il s’agit d’une position classique selon laquelle les hébergeurs ne peuvent généralement pas voir leur responsabilité engagée s’ils n’ont pas retiré promptement le contenu dont le caractère diffamatoire est allégué, ceux-ci ne pouvant dans la majorité des cas, apparaitre comme « manifestement illicite ». En effet, une telle qualification nécessite une analyse juridique qui ne peut être demandée à un hébergeur.
Cassation de l’arrêt par la Cour
La Cour de cassation casse toutefois l’arrêt de la Cour d’appel : cette dernière aurait dû rechercher si les demandes de retrait et de blocage n’étaient pas justifiées par les condamnations pour diffamation publiques déjà prononcée, pour des propos identiques.
La portée de l’arrêt
L’arrêt de la Cour de cassation ne doit toutefois pas faire l’objet d’une surinterprétation. En effet, la Cour prend le soin de rappeler que les hébergeurs ne peuvent être soumis à une obligation générale de surveiller les informations qu’ils transmettent ou stockent, ni à une obligation générale de recherche des faits ou des circonstances révélant des activités illicites.
Dans le cas d’espèce, aucune analyse juridique détaillée des propos litigieux n’était requise de X pour retenir leur caractère manifestement illicite, puisqu’ils avaient déjà été jugés diffamatoires par le juge civil dans une affaire précédente. Le Digital Services Acté était donc respecté.
Il est également important d’attendre l’arrêt de la Cour d’appel de renvoi afin de savoir si, outre des mesures de retrait (qui semblent ici s’imposer), des mesures de blocage seront également prononcées contre Twitter, et pour quelle durée. En effet, la personne visée par les propos sollicitait des mesures de blocage pour une durée de trente ans, ce qui semble particulièrement long.
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