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Attention au signataire de la requête en saisie contrefaçon ! 

07 octobre 2024 | Derriennic Associés |

Tribunal judiciaire, Marseille, 1re chambre, 11 Juillet 2024 – n° 19/04364

La requête en saisie contrefaçon, pour ne pas avoir été signée et déposée par l’avocat postulant, est affectée d’une irrégularité de fond et est nulle. Les saisies qui en sont les actes subséquents doivent être annulées et les éléments recueillis sont écartés des débats. Le tribunal revient également précisément sur la condition d’originalité du logiciel et rappelle la nécessité de produire le code source.

Une société informatique réalise des logiciels développés sur mesure et contractualise avec un client pour la livraison d’une solution informatique spécifique composée de plusieurs applications serveur et mobiles.

Reprochant au client des impayés et une utilisation de ses logiciels sans son autorisation, le prestataire se fait autoriser par requête à procéder à deux saisies contrefaçon au sein des locaux du client et dans ceux d’un de ses concurrents, société qui aurait, sur commande du client, reproduit son logiciel et modifié son code, en l’absence de toute cession des droits d’auteur.

Conforté par les procès-verbaux des saisies, le prestataire assigne le client et son concurrent en contrefaçon de droits d’auteur sur les logiciels.

Les défenderesses saisissent le juge de la mise en état d’une demande de la nullité des deux procédures de saisies contrefaçon, soutenant notamment que les requêtes ne sont pas signées par l’avocat postulant et sont donc nulles.

Sur la nullité des requêtes en saisie contrefaçon

Le tribunal rappelle les termes de l’article L. 332-4 du Code de la propriété intellectuelle prévoyant ce moyen de preuve et de l’article  846 du Code de procédure civile en application duquel la requête tendant à obtenir du président du tribunal judiciaire une mesure urgente dans des circonstances exigeant qu’elle ne soit pas prise contradictoirement doit être présentée par un avocat postulant.

En l’espèce, les requêtes ont été formées par l’avocat plaidant et l’avocat postulant, elles sont signées mais ne portent pas mention du signataire et ne sont pas datées. Seule la mention « signature de l’avocat » précède la signature manuscrite, et les signatures figurant sur ces deux requêtes sont différentes. L’avocat postulant ne conteste pas qu’il n’est pas le signataire de ces requêtes, mais soutient qu’elles ont été signées par ses collaboratrices sur délégation de signature. Il produit des attestations de sa part et de celles de ses collaboratrices mais le tribunal va noter des imprécisions.

Le juge considère que les requêtes sont affectées d’une irrégularité de fond, au sens de l’article 117 du Code de procédure civile, peu important que cette absence de signature n’ait été à l’origine d’aucun grief, pour ne pas avoir été présentées par un avocat postulant, celui indiqué dans la requête n’ayant ni signé ni déposé l’acte. Dès lors, les requêtes en saisie contrefaçon sont nulles, et les saisies contrefaçon qui en sont les actes subséquents doivent être annulées.

Le tribunal relève à titre superfétatoire qu’en tout état de cause, la signification de l’ordonnance de saisie est également nulle car elle mentionne de manière erronée les articles 496 et 497 du Code de procédure civile et ne comporte aucune mention sur la possibilité pour la société de solliciter la mainlevée de la saisie ou le cantonnement de ses effets. Il s’agit d’une irrégularité de forme relevant du régime des nullités prévu par l’article 114 du Code de procédure civile. La nullité est encourue lorsqu’elle cause un grief à la partie à laquelle la décision est notifiée, ce qui est nécessairement le cas en l’espèce.

Sur les demandes au titre de la contrefaçon de droits d’auteur

Le tribunal rappelle les dispositions des articles L111-1 et L112-1 du Code de la propriété intellectuelle et qu’en matière de logiciel, la protection au titre du droit d’auteur est, comme les autres œuvres de l’esprit, subordonnée à la condition d’originalité, entendue comme l’empreinte de la personnalité de son auteur.

L’originalité du logiciel porte sur son code source, lequel est considéré comme l’œuvre de l’esprit objet de la protection. L’empreinte de la personnalité de l’auteur se déduit de son apport intellectuel qui ne doit pas se limiter à une mise en œuvre automatique du logiciel. C’est donc l’effort intellectuel de l’auteur qui est recherché, et de simples généralités ne peuvent suffire à marquer l’empreinte de la personnalité de l’auteur. Un logiciel est original dès lors que son auteur a fait preuve d’un effort personnalisé allant au-delà de la simple mise en œuvre d’une logique automatique et contraignante et que la matérialisation de cet effort réside dans une structure individualisée.

En l’espèce, la demanderesse se contente de décrire les spécificités du logiciel sans produire les codes sources; elle ne fournit pas le logiciel argué de contrefaçon et le tribunal n’est pas en mesure de déterminer les contours de l’œuvre revendiquée ni ses caractéristiques.

Il ressort de ces éléments que l’originalité du logiciel n’est pas démontrée. 

En tout état de cause, l’ensemble des pièces et informations saisies et recueillies lors des opérations de saisie-contrefaçon ont été écartées des débats compte tenu de la nullité de ces opérations. Le tribunal n’est donc pas en mesure de procéder à une quelconque comparaison pour caractériser des actes de contrefaçon.

Le prestataire développeur du logiciel sera donc débouté de l’intégralité de ses demandes.