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Une « Barrière » à la contrefaçon

10 octobre 2024 | Derriennic Associés |

Une « Barrière » à la contrefaçon

Tribunal judiciaire de Paris, 10 septembre 2024, n°24/81228, Groupe Lucien Barrière / Meta Platforms Ireland Limited

Tribunal judiciaire de Paris, 3ème chambre, 3ème section, 24 avril 2024, n°24/02349, Meta Platforms Ireland / Groupe Lucien Barrière

Tribunal judiciaire de Paris, 11 janvier 2024, Groupe Lucien Barrière / Meta Platforms Ireland Limited

Meta a été condamnée a mettre en place un filtrage de publicités utilisant sans autorisation la marque « Barrière » pour promouvoir des jeux en ligne sur Facebook, Messenger et Instagram. Cette obligation de filtrage n’ayant pas été respectée par Meta, elle a été assortie d’une astreinte.        

Un filtrage ordonné sur le fondement de l’article L716-4-6 du Code de la propriété intellectuelle

Dans une première ordonnance rendue sur requête le 11 janvier 2024, a été ordonnée à Meta la mise en œuvre de moyens pour prévenir la diffusion de publicités reproduisant les marques du groupe Barrière pour promouvoir des jeux de casino en ligne sur ses plateformes.

La vraisemblance de la contrefaçon des marques du groupe Lucien Barrière

Dans sa décision du 24 avril 2024, rendue suite au référé-rétractation de Meta qui demandait la caducité de l’ordonnance première et à titre subsidiaire sa réformation, la juridiction revient notamment sur les conditions d’application de l’article L716-4 du Code de la propriété intellectuelle sur le fondement duquel les mesures de filtrage ont été ordonnées.

Plus précisément, le juge estime que le groupe Barrière produit suffisamment d’éléments démontrant que des publicités pour des jeux d’argent en ligne représentant ses marques ont été diffusées sur Facebook, Messenger et Instagram sans son autorisation. La vraisemblance de l’atteinte aux droits de propriété intellectuelle du groupe Barrière serait ainsi rapportée.

Meta : un intermédiaire de la contrefaçon

Pour ordonner à Meta de filtrer les contenus litigieux, le juge retient que Meta agit en qualité d’intermédiaire des contrefacteurs (au sens de l’article L716-4-6 al. 1 précité). Il estime en effet que cette qualité découlerait du fait que Meta permettrait la publication sur ses plateformes des publicités contrefaisantes. Du fait de cette qualité, Meta peut donc se voir ordonner les mesures provisoires visées à l’article L716-4-6 précitées, et notamment les mesures destinées à faire cesser ou prévenir une atteinte imminente aux droits de propriété intellectuelle. Le juge précise à cette occasion que la responsabilité de Meta dans ces atteintes n’a pas à être démontrée, ni le fait que Meta ait eu un rôle actif ou passif, ni sa qualité d’hébergeur ou d’éditeur.

Les contours de la mesure de filtrage

La première ordonnance de janvier 2024 définit les critères du filtrage ordonné à Meta, précisés par le juge en avril et assortis d’une astreinte par la décision de septembre dernier.

Un filtrage encadré

Pour apprécier si le filtrage ordonné à Meta constituerait une obligation générale de surveillance – prohibée au visa de l’article 15 de la directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2000 et de l’article 6 de la loi n°2004-575 du 21 juin 2004 – le juge se réfère notamment aux « standards publicitaires » de Meta. Meta disposant d’un système automatisé d’identification des contenus non conformes à ses standards, le juge estime qu’elle dispose des moyens techniques lui permettant de mettre en place la mesure de filtrage ordonnée, sans surveillance généralisée. Le juge fait également à cette occasion référence à l’ampleur de la diffusion des publicités litigieuses pour justifier le caractère nécessaire et proportionné des mesures ordonnées.

L’ordonnance du 24 avril 2024 précise tout de même les conditions de la mesure de filtrage, s’agissant en particulier des signes contrefaisants, de la durée de la mesure, de sa portée territoriale.

Un filtrage sous astreinte

A l’été 2024, le groupe Barrière a assigné Meta pour que soit fixée une astreinte de 10 000 euros par publication diffusée en violation de la mesure de filtrage ordonnée à Meta. Dans son ordonnance du 10 septembre 2024, le juge de l’exécution estime que Meta aurait mis en place un filtrage a posteriori et qu’elle ne justifierait pas d’un obstacle technique empêchant de prévenir la diffusion. Dans ces circonstances, à défaut pour Meta de respecter l’obligation de prévention de diffusion des publicités litigieuses, le juge de l’exécution assortit l’obligation résultant de l’ordonnance du 24 avril 2024 d’une astreinte de 10 000 euros par jour de retard.

En qualifiant Meta d’intermédiaire de la contrefaçon, le juge précise l’articulation des dispositions spécifiques aux atteintes aux droits de propriété intellectuelle et celles relatives aux hébergeurs.