Le Tribunal de l’Union européenne a eu à se prononcer sur la légalité d’une communication à des citoyens de l’UE, par le Parlement européen, de données relatives aux indemnités perçues par un député européen, condamné à une peine d’emprisonnement.
Dans une décision du 8 mai 2024, le Tribunal de l’Union européenne (TUE) a été saisi par des citoyens faisant valoir leurs droits à se voir communiqué les données personnelles d’un député européen, par le Parlement européen.
Une demande de communication de données personnelles d’un député européen
Suite à la condamnation d’un député européen à une lourde peine d’emprisonnement pour participation à une organisation criminelle, des citoyens de l’UE ont sollicité du Parlement européen qu’il leur communique les montants concrets des sommes allouées, par le Parlement, au député, ainsi que la façon dont ces sommes ont été dépensées.
Les citoyens, dont la demande se fondait sur le Règlement 1049/2001 sur l’accès au public aux documents du Parlement européen, faisaient valoir que ces sommes avaient contribué, directement ou indirectement, au financement ou à la perpétuation d’activités criminelles ou illégales.
Le Parlement n’a pas donné de suite favorable à cette requête, estimant notamment qu’une telle communication violerait l’article 9 du Règlement 2018/1725, qui lui interdit de communiquer des données personnelles, sauf :
- si le destinataire établit que les données sont nécessaires à l’exécution d’une mission d’intérêt public ; ou
- si les données sont communiquées dans un but spécifique d’intérêt public et si, après mise en balance des intérêts du destinataire et de ceux de la personne concernée, il s’avère que la communication de données est « proportionné » (dans l’hypothèse où la communication de données personnelles porterait atteinte aux intérêts légitimes de la personne concernée).
La divulgation des lieux de déplacement récurrents du député, via ses notes de frais, était susceptible, aux yeux du Parlement européen, de faire courir un risque quant à sa sécurité, ce qui justifiait une rétention des données personnelles.
Les requérants ont formé un recours contre la décision du Parlement européen, devant le TUE.
Il s’agissait, pour les requérants, de caractériser (i) l’existence d’un but légitime et, (ii) dans l’hypothèse d’une atteinte aux intérêts légitimes du député, de la « proportionnalité » de la communication, après mise en balance des intérêts des requérants et du député.
Une demande de communication poursuivant un but spécifique d’intérêt public
Le TUE a estimé que le but consistant à connaître les montants concrets des sommes allouées par le Parlement au député et la façon dont ces sommes ont été dépensées, contribue « à la transparence quant à la manière dont l’argent des contribuables est dépensé » et doit donc être considéré comme étant « un but spécifique d’intérêt public ».
Une communication dépourvue d’atteinte aux intérêts légitimes du député
Le TUE a estimé, au sujet des risques quant à la sécurité du député dont les donnée personnelles étaient sollicitées : « il suffit de rappeler que M. Lagos étant emprisonné, il ne pouvait pas, à la date d’adoption de la décision attaquée, et ne peut davantage, à celle du prononcé du présent arrêt, se déplacer. Partant, la question de sa sécurité lors de tels déplacements hypothétiques ne se pose pas. Eu égard aux circonstances particulières du cas d’espèce, cet argument, par ailleurs non suffisamment étayé par le Parlement, doit donc également être écarté ».
Le TUE a décidé qu’en l’absence d’atteinte aux intérêts légitimes du député, la mise en balance des intérêts des requérants et du député n’était pas nécessaire. Le Parlement européen aurait donc bien dû procéder à la communication des données personnelles au regard des exigences l’article 9 du Règlement 2018/1725.
Ainsi, le TUE a annulé la décision du Parlement européen.
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