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Congés payés, maladie et heures supplémentaires : la Cour de cassation cède à l’Europe

23 octobre 2025 | Derriennic Associés |

Congés payés, maladie et heures supplémentaires : la Cour de cassation cède à l’Europe

Aux termes de deux arrêts du 10 septembre 2025 (Cass. soc., 10 sept. 2025, n° 23-22.732 et n°23-14.455), la Cour de cassation opère un revirement et met fin à près de 30 ans de résistance française au droit de l’Union. Par ces décisions, la Cour vient ainsi reconnaître le droit au report des congés payés en cas de maladie et admet, par ailleurs, que les congés payés soient pris en compte pour le déclenchement des heures supplémentaires.

Un double arrêt attendu, fruit d’une longue saga européenne

Depuis un arrêt du 4 décembre 1996, la jurisprudence française refusait au salarié, malade durant ses congés, le droit au report de ses jours dont il n’avait pu, du fait de son état de santé, pleinement bénéficier. Cette position, maintenue malgré la jurisprudence de la CJUE (CJUE, 20 janv. 2009, aff. 350/06 et 520/06 ; CJUE, 21 juin 2012, aff. 78/11), était devenue intenable tant celle-ci se voyait critiquée.

La Cour d’appel de Versailles avait ouvert une brèche dès 2022 (CA Versailles, 18 mai 2022, n° 19/03230), suivie par le ministère du Travail, qui incitait à ne plus appliquer la jurisprudence nationale pour éviter les litiges. Dernièrement surtout, le 18 juin 2025, la Commission européenne avait mis en demeure la France de se conformer au droit communautaire dans un délai de 2 mois.

Le 10 septembre 2025, la Haute juridiction défère à l’injonction en venant poser deux principes :

  • Un salarié en arrêt maladie pendant ses congés a droit au report de ses jours de congés dont il n’a pu, de fait, ainsi bénéficier, dès lors que l’arrêt de travail est notifié à l’employeur (n° 23-22.732).
  • Les congés payés sont pris en compte pour le calcul du seuil de déclenchement des heures supplémentaires dès lors que le temps de travail est décompté à la semaine (n° 23-14.455).

Congés payés et arrêt maladie : l’alignement attendu

Au visa du droit de l’Union qui pose, en principe essentiel du droit social, le droit au congé payé annuel, la Cour de cassation vient consacrer le droit au report des jours de congés lorsque la maladie a effectivement empêché le salarié de pouvoir bénéficier de ses congés. Elle met fin à la résistance prétorienne française, en rappelant clairement la finalité des congés (repos et loisirs) qui se distingue de celle de l’arrêt maladie (guérison et rétablissement). 

La seule condition posée par la Cour réside dans la notification, à l’employeur, de l’arrêt de travail.

Bien que l’arrêt ne pose pas d’autre limitation, sa portée pourrait interroger quant au fait de savoir si le droit au report, qui se base sur l’ordre public social établi par le droit de l’Union, ne concerne que les seules quatre semaines de congés consacrées par ce même droit ou s’il s’étend indiscutablement aux cinq semaines prévues par le droit national. La question demeure.

Congés payés et heures supplémentaires : une acception discutable du « temps de travail effectif »

En l’espèce, des salariés d’Altran, soumis à un forfait en heures irrégulier, travaillaient 38,5 heures hebdomadaires. La cour d’appel leur avait accordé des rappels d’heures supplémentaires, mais en excluant les semaines comprenant des congés payés. La question était donc de savoir si le salarié perdait son droit à majoration en raison de ses congés ?

Aux termes du second arrêt (n° 23-14.455), la Cour de cassation abandonne la conception strictement française du « temps de travail effectif ». Dorénavant, les congés payés, au même titre que le travail effectif, doivent être intégrés dans le calcul des 35 heures servant de seuil au déclenchement des heures supplémentaires.

Jusqu’ici, était considérée comme heure supplémentaire toute heure de travail effectif accomplie au-delà de 35 heures hebdomadaires. N’étaient donc pas inclus dans ce décompte les éventuels jours de congés payés, ce qui pour la CJUE créait un désavantage financier, dissuadant le salarié de prendre ses congés. La Cour de cassation, revenant sur sa position, fait primer le droit européen et impose que les heures « neutralisées » par un congé soient comptées comme si elles avaient été travaillées.

Par ces deux arrêts du 10 septembre 2025, la Cour de cassation clôt la saga « congés payés et droit de l’Union » et réécrit des pans essentiels du droit du travail français. Les entreprises doivent désormais anticiper sans délai leurs pratiques RH et paie. Mais une question demeure : ce « droit au report » et cette nouvelle approche des heures supplémentaires pourraient-ils ouvrir la voie à une vague de contentieux rétroactifs ou ses effets seraient-ils limités dans le temps ? 

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