Cour d’appel de Paris, Pôle 5 Chambre 11, Arrêt du 23 novembre 2018, Répertoire général nº 15/19053
En matière de contrat informatique, la jurisprudence a associé à l’expression « clef en mains » de lourdes conséquences. La Cour d’appel de Paris, dans son arrêt du 23 novembre 2018, revient sur cette notion, d’une part en la définissant précisément et d’autre part en ne s’arrêtant pas aux seuls termes et en analysant dans le contrat et dans les faits les obligations des parties.
Afin d’améliorer son système de comptabilité et de facturation, une société a accepté une proposition commerciale pour l’acquisition de matériels informatiques, logiciels professionnels et de prestations de service. Un procès-verbal de livraison-réception est signé, mais, soutenant divers dysfonctionnements, le client, après mise en demeure, assigne son prestataire informatique aux fins de voir constater la violation de ses obligations contractuelles et prononcer la résiliation du contrat.
Par jugement du 15 septembre 2015 le tribunal de commerce de Paris a débouté le client, les éléments produits ne permettant pas d’établir la responsabilité du prestataire dans ces dysfonctionnements. Le tribunal retient également qu’il existe une obligation de collaboration du client, qui est le corollaire de l’obligation de conseil pesant sur la société informatique, qu’ainsi, le client ne peut se contenter d’une attitude passive se concluant par la désinstallation du logiciel pour ensuite rechercher la responsabilité du prestataire informatique, mais doit au contraire dialoguer et s’impliquer afin de favoriser le succès de l’outil et s’abstenir d’interrompre prématurément la relation technique face à certaines difficultés. Le client a ainsi manqué à son obligation de collaboration en refusant toute proposition.
Le client interjette appel considérant que le prestataire était tenu à une obligation de résultat quant à l’installation de la solution informatique proposée, dès lors qu’elle livre une solution « clef en main » s’étant engagée à intégrer les données du client et à adapter le logiciel à ses besoins spécifiques dont elle ne rapporte pas la preuve de son respect.
La cour d’appel va considérer qu’il incombe au client qui soutient que le prestataire est débiteur d’une obligation de résultat d’en rapporter la preuve. En l’espèce il ne résulte pas du bon de commande que les parties sont convenues qu’une telle obligation pèse sur le prestataire qui a certes fourni logiciels, matériel et services. Les juges relèvent qu’aucune mention contractuelle ne spécifie une installation ‘clef en main’ et que la référence à une plaquette publicitaire n’a pas valeur contractuelle et ne saurait conférer au bon de commande litigieux cette qualification. C’est donc en considération des caractéristiques du bon de commande qu’elle établit que le client ne fait pas la preuve que le fournisseur a livré un contrat clef en main imposant au prestataire d’assurer la maîtrise totale c’est-à-dire de fournir non seulement des prestations d’édition, d’installation et de formation relatives au logiciel mais également la fourniture du matériel spécifiquement conçus pour le client formant un tout indissociable.
Ainsi, échouant à faire la preuve d’une installation ‘clef en mains’ assortie d’une obligation de résultat incombant au prestataire le client sera débouté de sa demande de résolution du contrat.
Rappelons que la Cour de cassation, par son arrêt du 17 mai 2017, avait considéré que la seule mention des termes « clef en main » sur un devis de création d’un site internet emportait de facto la qualification en obligation de résultat, cassant ainsi l’arrêt des juges du fond qui avait rappelé que pour la bonne réalisation du contrat, le prestataire dépendait des informations que devait lui fournir son client, à qui revenait par conséquent la charge de prouver les manquements de son cocontractant.