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Le défaut de paiement du client engage sa responsabilité, nonobstant les éventuelles défaillances du prestataire

30 avril 2025 | Pierre de Boismenu|

Le défaut de paiement du client engage sa responsabilité, nonobstant les éventuelles défaillances du prestataire

Dans un arrêt du 28 mars 2025, la Cour d’appel de Paris a rendu un arrêt aux termes duquel elle rappelle qu’un manquement initial du client à son obligation de payer engage sa responsabilité et peut enrayer l’entièreté de son action subséquente contre le prestataire.

Déploiement SAP : retour sur les tensions contractuelles entre client et prestataire

En l’espèce, une marque de prêt à porter avait confié à un prestataire informatique le soin :

  • D’implémenter un nouvel ERP SAP pour un coût global de 172.980€ HT ;
  • De souscrire pour son compte, des licences logicielles pour un coût de 3.500€ HT,

Le tout aux termes d’un seul et unique contrat, mixant donc le volet «implémentation » et le volet « abonnement et maintenance », régularisé en décembre 2018.

Une première facture d’un montant de 51.894 €, correspondant à un acompte de 30% du prix de l’implémentation est adressée, avec un peu de retard, en mars 2019.

Le montant de l’acompte sera finalement réglé en 5 échéances, dont la dernière (équivalent presque à la moitié de l’acompte) ne sera réglée qu’un an plus tard, en mars 2020.

En outre, malgré des explications « pédagogiques » fournies par le prestataire (sur le fait qu’il avait avancé le coût mensuel de l’abonnement SaaS auprès de l’éditeur SAP et qu’il était, de ce fait, indispensable que le client régularise la situation sur ce volet abonnement) le client refusait de régler, de manière spontanée et systématique, les factures qui lui étaient adressées et sollicitait, en février 2020, un décalage de l’abonnement à la solution (au motif que la dérive du projet rallongeait la période durant laquelle il s’acquittait, sans en tirer d’avantage, d’un abonnement logiciel). 

En septembre 2020, le client déplorait l’incapacité de son prestataire à délivrer une solution logicielle complète, dans les délais convenus, remettait en cause le respect par celui-ci de son devoir de conseil et sollicitait une nouvelle approche de déploiement.

Finalement en janvier 2021, le client notifiera la résiliation du contrat aux torts du prestataire et le mettait en demeure de rembourser les sommes payées (66.432€ : incluant le volet abonnement et le volet implémentation) et de réparer son préjudice (qu’il valorisait à 146.975€).

Quand le défaut de paiement fragilise toute action judiciaire

Le 5 mars 2021, le client fait donc assigner son prestataire pour obtenir les remboursements et indemnités précitées.

Il sera débouté de l’ensemble de ses demandes par le tribunal de commerce de Paris dans un jugement du 21 septembre 2022 et interjettera appel le 13 octobre 2022.

Il sera ensuite placé en redressement judiciaire le 20 octobre 2022 puis en liquidation judiciaire le 2 février 2023 et le liquidateur reprendra pour son compte les arguments déployés par les appelants initiaux.

La Cour d’appel rappelle que le non-paiement prive le client de tout recours

Sans véritablement analyser les griefs qui étaient opposés par les appelants (et notamment l’incapacité à délivrer une solution conforme, à respecter le planning projet et à respecter son devoir de conseil) la Cour se focalise sur les difficultés de paiement survenues pour acter que le client a « manqué à son obligation de paiement malgré les multiples rappels » et s’est « soustraite au paiement de l’abonnement de licences SAP échues ».

Elle relève en revanche l’attitude conciliante du prestataire qui n’a « pas attendu le règlement de la totalité de l’acompte de 30% pour débuter ses prestations ».

Sur la base d’une démonstration un peu moins claire, ou en tout cas que l’arrêt n’étaye pas, la Cour considère que le client n’a pas respecter la philosophie du projet qui consistait à rester proche du standard et éviter, autant que faire se peut, de recourir à des développements spécifiques.

La Cour précise par ailleurs que :

  • En fin de projet, le prestataire a proposé des solutions de reprise du projet, sans coût complémentaires (mais à la condition que le client règle les factures échues), mais que cela a été refusé par le client ;
  • Le client était accompagné d’une direction des services informatiques et d’un assistant à maîtrise d’ouvrage, de sorte qu’il ne pouvait ignorer les contraintes de l’implémentation d’un outil SAP (à la fois sur la nécessité de rester proche du standard si l’on veut éviter un projet trop onéreux, mais également, même si l’arrêt ne le dit pas explicitement, sur le fait que le coût de l’abonnement doit parfois être supporté dès le démarrage des prestations).

La Cour conclut que le prestataire « a satisfait à son obligation de moyens et, face au décalage important du règlement de l’acompte puis du paiement des ses prestations par le client, à du décaler ses interventions ». Elle confirme donc le jugement en ce qu’il a considéré que c’est à ses torts exclusifs que le client a résilié le contrat et qu’il doit donc être débouté de l’ensemble de ses demandes.

La Cour confirme donc le jugement en ce qu’il a condamné le client à 86.490€ de factures d’implémentation et 100.602€ de factures d’abonnement.

Dans cette affaire, le manquement à l’obligation de paiement a visiblement obéré tous les griefs opposés par le client et a été considéré par la Cour comme le point d’entrée à toutes les difficultés rencontrées durant le projet. Si la Cour ne le dit pas explicitement, ce refus catégorique de payer doit également s’analyser en un manquement au devoir traditionnel de collaboration et d’exécution loyale du contrat qui incombe au client.

Source : Cour d’appel, Paris, Pôle 5, chambre 11, 28 mars 2025 n°22/17649

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