
Dans un arrêt du 22 janvier 2025 (Cass. soc., 22 janv. 2025, n° 23-10.888), la Cour de cassation rappelle qu’un salarié ne peut être licencié pour faute en raison d’un fait relevant de sa vie personnelle, sauf exceptions précises.
Les faits : un manquement à la sécurité lors d’un voyage de teambuilding
Au cours d’une croisière en Floride organisée par SFR Distribution pour récompenser les lauréats d’un concours interne, une salariée a été reprochée d’avoir fumé le narguilé dans sa cabine, en présence d’une collègue enceinte, et d’avoir obstrué le détecteur de fumée.
Ces faits ont conduit le commandant de bord à ordonner son débarquement anticipé. L’entreprise a dû engager des frais pour loger et rapatrier la salariée, qui a ensuite été licenciée pour faute, au motif du non-respect des règles de sécurité.
Contestant cette décision, la salariée a saisi le conseil de prud’hommes, arguant que ces faits, intervenus hors du temps de travail et du lieu de travail, ne pouvaient justifier une sanction disciplinaire.
L’analyse de la Cour de cassation
L’employeur faisait valoir que, bien que commis en dehors du cadre strict du travail, ces actes constituaient une violation des obligations contractuelles en raison de leur lien avec un événement organisé par l’entreprise.
La Cour de cassation rejette cet argument, rappelant plusieurs principes fondamentaux :
- Vie privée protégée : Les faits reprochés, survenus hors du temps de travail et du lieu de travail, relèvent de la vie personnelle, même si l’événement a été organisé et financé par l’employeur.
- Licenciement disciplinaire exclu : Un fait tiré de la vie personnelle ne peut justifier un licenciement pour faute, sauf s’il constitue une violation d’une obligation contractuelle.
- Possibilité d’un licenciement pour trouble objectif : Un trouble dans le fonctionnement de l’entreprise peut justifier un licenciement pour cause réelle et sérieuse, mais pas une sanction disciplinaire.
Portée et évolution jurisprudentielle
Cet arrêt renforce la protection des salariés en matière de vie privée. Il rappelle clairement :
- Les deux exceptions permettant à un employeur de sanctionner un fait relevant de la vie personnelle.
- Une approche stricte, contrairement à un arrêt rendu par la Cour de cassation le 8 octobre 2014 (Cass. soc., 8 oct. 2014, n° 13-16.793), où le licenciement d’un salarié avait été validé. Dans cette affaire, les faits s’étaient déroulés lors d’un voyage d’entreprise, mais les tensions et altercations entre collègues étaient directement liées à l’activité professionnelle, justifiant ainsi une sanction.
En résumé : un cadre strict pour les employeurs
Les entreprises doivent faire preuve de prudence lorsqu’elles envisagent de sanctionner un fait survenu en dehors du cadre professionnel. Cet arrêt confirme que la vie personnelle est protégée, et que les exceptions justifiant une sanction doivent être strictement définies.