
Aux termes d’un arrêt du 15 octobre (Cass. soc., 15 oct. 2025, n° 22-20.716), la Cour de cassation juge illicite le dispositif d’entretien d’évaluation des salariés fondé sur des critères comportementaux trop vagues, comme l’optimisme, l’honnêteté ou le bon sens, faute de lien direct, suffisant et nécessaire avec l’évaluation des compétences professionnelles.
I. Des critères d’évaluation sous le radar des partenaires sociaux
Une entreprise avait déployé, à compter de 2017, une procédure d’entretien de développement individuel (EDI) intégrant une grille dédiée aux « compétences comportementales ».
Saisie par le syndicat CFDT, le tribunal judiciaire avait interdit l’usage du dispositif, décision confirmée par la cour d’appel de Rennes. La société se pourvoit en cassation en invoquant en premier lieu le pouvoir de direction de l’entreprise ainsi que la pertinence des critères retenus au dispositif pour apprécier le potentiel et l’aptitude des salariés.
II. Des critères appréciés sous l’angle de la finalité professionnelle de l’évaluation
La Cour de cassation rejette le pourvoi. Elle rappelle que si l’employeur peut évaluer ses salariés, la méthode doit reposer sur des critères précis, objectifs et pertinents au regard de la finalité poursuivie.
En l’espèce, la Cour suit les juges du fond et relève que :
- la partie « compétences comportementales » n’était ni accessoire ni secondaire ;
- la multiplicité de critères et sous-critères, sans pondération claire, ne garantissait pas une évaluation impartiale ;
- les notions d’« optimisme », d’« honnêteté » et de « bon sens » relèvent d’une connotation moralisatrice et restent trop imprécises pour fonder la mesure des aptitudes professionnelles ; elles induisent une appréciation subjective, contraire aux exigences d’objectivité et de transparence. D’où l’interdiction d’utiliser le dispositif EDI.
Cette décision conduit à encadrer voire à réviser les politiques d’évaluation actuelles qui se reposeraient trop sur des softskills éloignés des compétences professionnelles techniques attendues.
Les compétences comportementales, relationnelles, peuvent certes être prises en compte, à condition d’être ancrés dans l’activité et opérationnalisées (définitions, indicateurs observables, pondérations connues) et proportionnés au but recherché.
Ils doivent encore présenter un lien direct et nécessaire avec les aptitudes professionnelles et leur méthode d’appréciation doit être pertinente.
En conclusion, la décision ramène l’évaluation sur le terrain professionnel : pas d’interdiction de principe des critères comportementaux, mais une exigence élevée d’objectivation et de pertinence. Les entreprises sont ainsi invitées à recalibrer leurs grilles, sous peine d’illicéité du système d’évaluation. Et sur le sujet, la concertation avec les représentants du personnel et les partenaires sociaux ne peut qu’être recommandée.