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« Fraude au Président » et partage de responsabilité à parts égales entre client et banquier 

19 octobre 2024 | Derriennic Associés |

« Fraude au Président » et partage de responsabilité à parts égales entre client et banquier 

Cass. Eco. Fin., 2 oct. 2024 – n° 23-13.282 

Les faits

La société Le Cerf & Bachelet a été victime d’une « fraude au président », qui en droit pénal inclut l’usurpation d’identité d’un cadre dirigeant d’une entreprise laquelle précède une escroquerie résultant généralement de l’émission de virements frauduleux. 

Dans cette affaire, entre le 11 et le 22 décembre 2017, la comptable de la société a effectué sept virements totalisant plus de 2 millions d’euros vers un compte à Hong-Kong, croyant agir sur instruction du dirigeant social.

Le 17 novembre 2020, affirmant que sa salariée avait agi en exécution de courriels adressés par un tiers usurpant l’identité de son dirigeant, la société a assigné la banque pour obtenir la restitution des sommes versées.

Rappels sur le régime juridique encadrant la responsabilité du banquier

Le Code monétaire et financier et la jurisprudence font peser sur les épaules du banquier un devoir de vigilence. Ce devoir lui impose d’alerter son client lorsqu’il détecte des situations objectives anormales, des irrégularités apparentes sur des titres ou des risques de fraude. 

Dans le cadre de règles dites « KYC » (« KnowYourCustomer »), les banques peuvent s’imposer des obligations supplétives. 

En somme, si le banquier ne doit pas se contenter d’exécuter les ordres donnés sans une analyse critique des circonstances entourant ces ordres, il ne doit pas non plus s’immiscer la vie privée de son client ou dans manière de gérer ses affaires.

La position de la cour d’appel, un jugement de Salomon

La cour d’appel de Douai avait jugé que la Banque CIC Nord-Ouest avait manqué à son obligation de vigilance en ne détectant pas les anomalies dans les ordres de virement. 

La cour a retenu que les virements effectués étaient d’un montant inhabituellement élevé et fréquents (7 en 11 jours d’un montant systématiquement supérieur à 180.000€) , ce qui aurait dû alerter la banque.

Elle a condamné la banque à rembourser la moitié des sommes détournées, reconnaissant ainsi une responsabilité partagée entre la banque et la société victime.

Décision de la Cour de Cassation

La Cour de cassation confirme l’arrêt d’appel. Pour ce faire, dans le cadre d’une une appréciation in concreto elle retient que : 

  • la cliente établissait n’avoir effectué presqu’aucun virement supérieur à 100 000 euros et jamais vers des sociétés situées en Chine ;
  • les ordres de virement litigieux, par leur caractère rapproché et répété, par la période de l’année à laquelle ils intervenaient, leurs montants élevés par rapport aux ordres habituellement donnés auraient du interpeller la banque ;
  • Surtout, ces virements étaient établis au bénéfice de sociétés ne faisant pas partie des relations d’affaires de la société et situées en dehors de l’espace habituel de son activité ;
  • Jugé que la banque aurait dû détecter les anomalies dans les ordres de virement en raison de leur montant élevé et de leur fréquence inhabituelle, quand bien même les ordres de virement ont été passés par une de ses préposées, munie des outils d’authentification prévus contractuellement.

Il ressort du partage à part égale de la responsabilité des parties dans la survenance du préjudice que cet arrêt maintient un certain équilibre en contribuant au renforcement du devoir de vigilance du banquier face aux fraudes aux présidents tout en invitant les clients à mieux former leur personnel à la détection de ces infractions.

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