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Harcèlement au travail : quand l’ambiance et la politique d’entreprise sont en cause

24 février 2025 | Derriennic Associés |

Harcèlement au travail : quand l’ambiance et la politique d’entreprise sont en cause

Le harcèlement en entreprise évolue dans sa reconnaissance juridique, avec des décisions récentes qui en élargissent la portée. 

La Cour d’appel de Paris, dans un arrêt du 26 novembre 2024 (n°21/10408), et la Cour de cassation, chambre criminelle, dans un arrêt du 21 janvier 2025 (n°22-87.145), précisent les contours du harcèlement au travail en consacrant les notions de « harcèlement d’ambiance » et de « harcèlement institutionnel ».

Le harcèlement d’ambiance à caractère sexuel reconnu par la Cour d’appel de Paris

  1. Une salariée licenciée a saisi la juridiction prud’homale pour faire reconnaître un harcèlement discriminatoire lié à des propos et comportements sexistes. Elle dénonçait notamment les propos tenus en ce sens par ses collègues masculins, ainsi que des échanges de mails où circulaient des images suggestives accompagnées de commentaires graveleux.
  2. La Cour d’appel a jugé que cette culture d’entreprise, à laquelle l’employeur n’avait pas mis un terme malgré des signalements, créait un harcèlement d’ambiance à caractère sexuel.
  3. La Cour a également retenu un manquement à l’obligation de sécurité, en raison de lacunes dans l’enquête interne, de l’absence de nomination d’un référent harcèlement sexuel et de l’inaction de l’employeur face aux alertes.
  4. La salariée a ainsi obtenu des dommages et intérêts ainsi que l’annulation de son licenciement.

Le harcèlement institutionnel consacré par la Cour de cassation

  1. L’affaire, médiatique, faisait suite à la plainte déposée par un syndicat à l’encontre d’une entreprise et de ses dirigeants dans le cadre de la mise en œuvre d’un plan de réduction de 22 000 postes.
  2. Les plaignants dénonçaient une politique managériale anxiogène fondée notamment sur des pressions constantes au contrôle des départs, avec un objectif « coûte que coûte », des réorganisations incessantes, une surcharge de travail, etc.
  3. Confirmant l’arrêt d’appel, la Cour de cassation a validé l’existence d’un harcèlement moral institutionnel, en considérant que la loi n’exige ni qu’une victime déterminée soit identifiée ni que le harcèlement découle d’une relation interpersonnelle. Pour la Cour, il suffit que l’auteur et la victime appartiennent à une même communauté de travail.
  4. Elle confirme ainsi que la mise en œuvre d’une politique d’entreprise ayant pour objet ou effet une dégradation des conditions de travail pouvait caractériser une situation de harcèlement moral institutionnel entrant dans les prévisions de l’article 222-33-2 du code pénal.

Des implications concrètes pour les employeurs 

  1. Ces décisions renforcent l’obligation de prévention et de réaction de l’employeur face aux situations de harcèlement et appellent à une vigilance accrue en la matière.
  2. Elles confirment que l’inaction de l’entreprise face à un environnement toxique ou à une politique de management abusive peut engager sa responsabilité et par ailleurs conduire à ce que les ruptures des contrats de travail soient jugées nulles.