Cass. Crim 2 novembre 2016, pourvoi n°15-87.163
En matière de délit de presse sur internet, et notamment de diffamation, le délai de prescription est de 3 mois à compter du jour de la publication du contenu, selon l’article 65 de la loi de 1881 sur la liberté de la presse.
En l’espèce, durant l’année 2010, un internaute avait publié sur son site personnel un article mettant en cause un fonctionnaire des impôts. En 2011, l’auteur avait publié un nouvel article contenant un lien hypertexte renvoyant à sa première publication. L’inspecteur a alors porté plainte du chef de diffamation publique envers un fonctionnaire public et s’est constitué partie civile.
Le tribunal correctionnel de Paris alors saisi, avait à cette occasion formulé une demande d’avis auprès de la Cour de cassation, lui posant la question suivante : « L’insertion, dans un article mise en ligne sur internet, d’un lien hypertexte permettant d’accéder directement à un contenu déjà diffusé, constitue-t-elle un nouvel acte de publication du texte initial faisant à nouveau courir le délai de la prescription trimestrielle prévu par l’article 65 de la loi du 29 juillet 1881 ? ». La Cour n’avait pas répondu à cette question, mais avait tout de même précisé, en se calquant sur la notion de réédition sur support papier, qu’une nouvelle mise en ligne d’un texte ou d’une vidéo ne ferait courir un nouveau délai de prescription que si elle manifeste la volonté de publication nouvelle de son auteur.
Elle a enfin donné un éclairage technique, notamment sur la nature du lien hypertexte qui selon elle doit être qualifié d’activable, de profond et surtout d’interne, ce qui implique que l’auteur a la maîtrise des contenus publiés et que le lien hypertexte renvoie à une « collection homogène » de contenus et donc que la seconde publication est en lien avec la 1ère, ce qui a conduit le tribunal à déclarer le prévenu coupable. Ce dernier a interjeté appel où le jugement a été infirmé.
Un pourvoi a été formé devant la Cour de cassation, qui a cassé et annulé l’arrêt d’appel en toutes ses dispositions, au visa de l’article 65 de la loi du 29 juillet 1881. Elle a dégagé des critères d’appréciation, tels que la nature de l’hyperlien et l’intention de l’auteur de mettre à nouveau le contenu litigieux à disposition du public. Selon la Cour : « Toute reproduction, dans un écrit rendu public, d’un texte déjà publié, est constitutive d’une publication nouvelle dudit texte, qui fait courir un nouveau délai de prescription ; que l’insertion, sur internet, par l’auteur d’un écrit, d’un lien hypertexte renvoyant directement audit écrit, précédemment publié, caractérise une telle reproduction ». Appliqué à ce cas d’espèce, elle en conclu que « le texte incriminé avait été rendu à nouveau accessible par son auteur au moyen d’un lien hypertexte, y renvoyant directement, inséré dans un contexte éditorial nouveau ».
A noter que cette décision s’inscrit particulièrement dans l’actualité puisqu’à l’occasion de l’examen du projet de loi sur l’égalité et la citoyenneté, un amendement propose de faire passer de 3 mois à 1 an ce délai pour les contenus exclusivement publiés sur internet.