La Cour de cassation, dans un arrêt du 3 octobre 2024, a estimé que le juge prud’homal, saisi par un salarié d’une « requête 145 » portant sur des bulletins de salaire se trouvant entre les mains de son employeur, est soumis à un certain nombre d’obligations, issues du RGPD.
Une demande de communication de bulletins de salaire
Un représentant syndical, s’estimant discriminé par son employeur en raison de son appartenance syndicale, avait engagé une action devant le conseil de prud’hommes. Sur le fondement de l’article 145 du Code de procédure civile, il demandait au juge qu’il ordonne à l’employeur la communication des historiques de carrière de neuf salariés, ainsi que de leurs bulletins de salaires. Le conseil des prud’hommes a fait droit à sa demande.
Une communication contraire au principe de minimisation
Après un appel infructueux, l’employeur a formé un pourvoi en cassation, car, selon lui, la communication des éléments demandés par le salarié constitue une violation du RGPD en ce qu’elle porte atteinte au principe de minimisation.
La Cour de cassation a, par un arrêt du 3 octobre 2024, énoncé la conduite à tenir par un juge prud’homal saisi d’une demande de communication de documents contenant des données à caractère personnel aux fins de caractérisation et de réparation de la discrimination :
« En matière prud’homal (…), il appartient au juge saisi, à l’occasion d’une action engagée devant un conseil de prud’hommes par un salarié alléguant des faits de discrimination, d’une demande de communication de documents contenant des données à caractère personnel aux fins de caractérisation et de réparation de la discrimination :
– d’abord, de rechercher si cette communication n’est pas nécessaire à l’exercice du droit à la preuve de la discrimination alléguée et proportionnée au but poursuivi (…), ensuite, si les éléments dont la communication est demandée sont de nature à porter atteinte à la vie personnelle d’autres salariés, de vérifier quelles mesures sont indispensables à l’exercice du droit à la preuve et proportionnées au but poursuivi, au besoin en cantonnant le périmètre de la production de pièces sollicitée ;
– de cantonner, au besoin d’office, le périmètre de la production de pièces sollicitées au regard notamment des faits invoqués au soutien de la demande en cause et de la nature des pièces sollicitées ;
– de veiller au principe de minimisation des données à caractère personnel, en ordonnant, au besoin d’office, l’occultation, sur les documents à communiquer par l’employeur au salarié demandeur, de toutes les données à caractère personnel des salariés de comparaison non indispensables à l’exercice du droit à la preuve et proportionnées au but poursuivi ; pour ce faire, il lui incombe de s’assurer que les mentions, qu’il spécifiera comme devant être laissées apparentes, sont adéquates, pertinentes et strictement limitées à ce qui est indispensable à la comparaison entre salariés en tenant compte du ou des motifs allégués de discrimination ;
– de faire injonction aux parties (…) de n’utiliser les données personnelles des salariés de comparaison, contenues dans les documents dont la communication est ordonnée, qu’aux seules fins de l’action en discrimination. »
En d’autres termes, le juge prud’homal, saisi d’une demande de communication de documents contenant des données à caractère personnel, dans le cadre d’une action en discrimination, doit :
- vérifier que la communication est nécessaire à l’exercice du droit à la preuve et proportionnée au but poursuivi ;
- au surplus, vérifier quelles mesures sont indispensables à l’exercice du droit à la preuve et proportionnées au but poursuivi, au besoin en cantonnant le périmètre des pièces à communiquer, au regard des faits invoqués et de la nature des pièces sollicitées ;
- ordonner l’occultation des données personnelles non indispensables à l’exercice du droit à la preuve et qui ne sont pas adéquates, pertinentes et strictement limitées à ce qui est indispensable à la comparaison entre salariés ;
- enjoindre les parties à n’utiliser les données personnelles contenues dans les documents qu’aux seules fins de l’action en discrimination.
En l’espèce, la Cour de cassation a estimé que le juge prud’homal n’avait pas procédé aux occultations nécessaires et n’avait pas fait injonction aux parties de n’utiliser les données personnelles qu’aux seules fin de l’action en discrimination. Elle a, en conséquence, cassé l’arrêt d’appel.