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L’intégrateur ne peut être tenu responsable de l’inadéquation d’un logiciel avec le besoin du client lorsqu’il n’a pas été impliqué dans le choix dudit logiciel

17 septembre 2024 | Derriennic Associés|

En 2013, une société de référencement distributeur dans le secteur alimentaire, la société Fedipat, a souhaité faire évoluer son système d’information. Pour ce faire, elle a d’abord procédé à un appel d’offre « éditeur » afin de sélectionner un logiciel ERP, puis a confié à la société Step-up l’implémentation dudit ERP. Fin 2014, Fedipat a également engagé la société Authentic Group comme assistant à la maîtrise d’ouvrage.

L’ERP a finalement été mis en production le 4 janvier 2016, mais des dysfonctionnements ont été constatés ultérieurement. La société Fedipat a alors adressé aux sociétés une liste des dysfonctionnements affectant la solution, lesquels ont été considérés comme résolus après leurs interventions. Par la suite, les sociétés ont réclamé à Fedipat le paiement de factures impayées. Cette dernière a refusé de s’exécuter, considérant que des désordres persistaient.

Après des mises en demeure et des injonctions de payer restées infructueuses, l’affaire a été portée devant le Tribunal de commerce de Lyon. Le 30 septembre 2020, ce tribunal a condamné Fedipat à payer les sommes dues aux sociétés.

Interjetant appel de cette décision, Fedipat faisait grief aux sociétés d’avoir manqué à leurs obligations contractuelles, notamment en matière de conseil, d’information et de mise en garde. Selon elle, Step-up avait une obligation de résultat pour l’installation et l’implémentation de la solution logicielle, qui a été tardive et défectueuse. Toutefois, les juges d’appel ont débouté Fedipat de ses demandes, faute d’éléments permettant d’établir la défaillance du prestataire chargé de l’implémentation de l’ERP.

Pour statuer en ce sens, les juges ont notamment constaté que :

  • Les conditions générales du contrat engageaient Step-up à exécuter les prestations dans les délais, qualité et prix fixés, en mettant en place les moyens nécessaires à l’exécution des travaux. La Cour a interprété ces dispositions comme une obligation de moyens et non de résultat, considérant que Step-up s’était seulement engagée sur une obligation de faire relative à une prestation intellectuelle complexe (impliquant par définition une collaboration active du client), sans engagement sur un résultat précis ;
  • Si les comités de pilotage ont révélé des difficultés dans l’avancement du projet, les reports de la date de mise en production ont été décidés de façon concertée entre les parties, et l’analyse des échanges de l’époque ne révèle aucun manquement du prestataire ni aucun grief du client concernant ce décalage du calendrier. Dans ces conditions, la responsabilité du prestataire (qui produisait de son côté des mails d’alerte sur la capacité du Client à respecter ses propres obligations) ne saurait être retenue par un client qui n’établit pas avoir contesté cette évolution du projet.
  • Enfin la Cour révèle la contradiction entre le haut niveau d’exigence qu’elle affiche dans son appel d’offres et l’absence d’un quelconque cahier des charges. Au demeurant, il est rappelé que le client n’a défini ses besoins qu’avec l’éditeur du logiciel ERP. Dans ces conditions, elle ne saurait reprocher au prestataire le choix d’une solution qui ne correspondait pas à ses besoins initiaux. Ainsi, Step-up n’a fait qu’implémenter la solution définie par Fedipat et l’éditeur, ce dont il résulte que les griefs relatifs au devoir de conseil que forme Fedipat à l’encontre de Step ne sont pas fondés.

Ce faisant, la Cour d’appel retient qu’aucune faute du prestataire informatique n’est caractérisée. Cette décision rappelle qu’en matière de contrat informatique, l’implication de l’intégrateur et la collaboration du client sont nécessaires, et conduisent à écarter la qualification d’obligation de résultat à l’encontre du prestataire chargé d’implémenter un ERP, au profit d’une obligation de moyens. En agissant avec diligence, celui-ci ne commet aucune faute de nature à engager sa responsabilité.

Source : Cour d’appel de Lyon, 3e chambre A, arrêt du 6 juin 2024, RG n° 20/06586