Cour d’appel, Rennes, 3e chambre commerciale, 24 Septembre 2024 – n° 23/00105
Dans un contrat informatique de mise en œuvre d’un logiciel, la méthode Agile ne dispense pas le prestataire de l’obligation de fournir une solution conforme aux besoins identifiés et acceptés contractuellement, d’autant plus que le prestataire avait pu chiffrer ses prestations après avoir analysé les besoins du client.
Tentative d’exemption de responsabilité par le prestataire informatique
Une société fait appel à un prestataire informatique pour la mise en place d’un logiciel devant remplacer l’outil existant de « ticketing » qu’elle avait développée en interne. Le prestataire devait installer un progiciel en adaptant ses fonctionnalités aux contraintes du client qui exerçait également son activité dans le domaine informatique.
En exécution d’un premier contrat, le prestataire réalise un audit préalable des besoins et remet comme livrable un cahier des charges décrivant les fonctions à mettre en place par processus et une estimation forfaitaire du projet. Un second contrat de « Mise en place, intégration et maintenance d’une solution de gestion des services informatiques » est signé.
Quelques mois après le démarrage du projet, le client constate l’échec des formations et fait état de difficultés quant aux fonctionnalités de la solution, soutenant que le logiciel et/ou son adaptation et paramétrage est dans l’incapacité de répondre aux besoins qu’il a exprimés.
Le client refuse de régler le solde de la facture. Les discussions amiables échouent, le prestataire arguant notamment du caractère non-forfaitaire de la méthodologie Agile. Il assigne le client et ce dernier est condamné par le tribunal de commerce de Nantes à payer la somme restant due.
Le client demande en appel la résolution du contrat et réparation de son préjudice, faisant valoir les manquements du prestataire à ses obligations (défaut d’information et de délivrance conforme).
La décision : la méthode Agile ne contredit pas l’engagement au forfait
La Cour va infirmer le jugement : le constat d’huissier et les échanges attestent de l’incapacité du prestataire de fournir les prestations contractuellement prévues et qui devaient finaliser le système qu’il s’était engagé à mettre en place. Les dysfonctionnements intervenus, par leur importance, ne permettent pas de faire droit à la demande en paiement du solde.
Pour la Cour, le prestataire ne peut pas se retrancher derrière la méthode Agile pour conclure à une insuffisance des modules commandés ou au caractère non-forfaitaire des prestations qui devraient donc être complétées pour aboutir. En effet, il a réalisé le cahier des charges et a ensuite rédigé une proposition commerciale visant ce cahier des charges, aux termes de laquelle il a lui-même défini et chiffré les prestations devant être réalisées pour satisfaire les besoins du client. Aucune clause du contrat ne prévoyait que les prestations prévues puissent s’avérer incomplètes et doivent être complétées ; cette argumentation est inopérante.
Les juges vont cependant retenir la responsabilité partagée des parties. Ils relèvent qu’elles ont entendu faire l’économie d’une mesure d’instruction et que l’imputabilité exacte de chacun des dysfonctionnements ne peut être déterminée, mais le client évoquait par écrit une responsabilité conjointe de deux sociétés, reconnue à demi-mots par le prestataire. Ainsi, l’imputabilité partagée dans l’origine des dysfonctionnements ne permet pas non plus de faire droit à la demande de résiliation du contrat et de restitution des sommes payées, non plus qu’aux demandes indemnitaires, chacune des parties devant supporter financièrement la moitié du coût des prestations prévues.