
Le tribunal de l’Union européenne (TUE 23 octobre 2024, T-59/24, EU:T:2024:714) précise la protection découlant d’une marque de renommée et décide de faire droit à la demande de nullité de la marque « Insomnia Energy » présentée par la société « Monster Energy », titulaire de la marque éponyme renommée.
Historique du litige : L’affaire, portée en 2020 devant la division d’annulation de l’EUIPO, a tout d’abord donné lieu à un rejet de la demande de nullité par cette division, ayant considéré d’une part qu’il n’existait pas de risque de confusion entre les marques en conflit et d’autre part, que compte tenu de l’extrêmement faible degré de similitude entre les signes en conflit, le public pertinent n’établira pas de lien entre lesdites marques.
Ce n’est toutefois pas en ce sens que s’est prononcée la chambre des recours de l’EUIPO, à la suite du recours du titulaire des marques « MONSTER Energy », puisqu’elle a fait droit à la demande de nullité.
La titulaire de la marque « Insomnia Energy » a donc formé un recours devant le Tribunal de l’Union européenne, contestant la renommée de la marque antérieure d’une part et la similitude des signes d’autre part (la démonstration de la similitude des produits et services n’étant pas nécessaire lorsqu’une marque de renommée est invoquée).
C’est particulièrement l’appréciation du critère de similitude entre les signes qui sera analysé dans le cadre de cet article.
Appréciation de la condition de similitude entre les signes en conflit
Marque renommée : le critère du lien suffisant remplaçant celui de confusion entre les signes
Une marque renommée peut conduire à l’annulation d’une marque postérieure lorsque l’usage sans juste motif de la marque postérieure tirerait indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de cette marque antérieure ou leur porterait préjudice, conformément au Règlement 2017/1001 du 14 juin 2017 sur la marque de l’Union européenne.
A cet égard, le Tribunal de l’Union européenne rappelle tout d’abord qu’il n’est pas nécessaire qu’il existe, dans l’esprit du public concerné, un risque de confusion entre la marque antérieure jouissant d’une prétendue renommée et la marque demandée/la marque postérieure. Il suffit que le degré de similitude entre ces deux marques ait pour effet que le public concerné établisse un lien entre elles, conformément à sa jurisprudence constante.
La différence entre les éléments dominants des signes ne doit pas conduire à rejeter la condition de similitude
Afin de considérer la similitude des signes, le Tribunal retient notamment : l’utilisation des mêmes couleurs, la structure semblable ainsi que la position identique des éléments verbaux dans chacune des parties.
Par ailleurs, le Tribunal rejette l’argument selon lequel l’absence de ressemblance entre les éléments dominants doit conduire à considérer que les marques en cause ne sont pas similaires :
« ce n’est que si tous les autres composants de la marque sont négligeables que l’appréciation de la similitude pourra se faire sur la seule base de l’élément dominant ».
Un élément verbal doté d’un caractère distinctif faible n’est pas pour autant négligeable dans l’appréciation de la similitude des signes
Le Tribunal retient ensuite que bien que doté d’un faible caractère distinctif, le terme « energy » n’était pas négligeable et qu’il ne passera pas inaperçu auprès du public en raison de sa taille et sa couleur.
La protection découlant d’une marque de renommée au regard des fonctions de la marque, précisées par le Tribunal de l’Union européenne
Une telle protection des marques de renommées s’explique par le fait que, comme le rappelle le Tribunal, la marque de renommée possède d’autres fonctions que sa fonction d’origine et agit également comme moyen de transmission d’autres messages concernant, notamment, les qualités ou caractéristiques particulières des produits ou des services désignés, ou les images et sensations qu’elle projette. Elle possède en effet une valeur économique intrinsèque autonome et distincte par rapport à celle des produits ou services visés.
Cette protection particulière est la récompense des efforts et investissements « considérables » du titulaire de la marque afin que sa marque acquière le statut de marque renommée.
Cet arrêt du Tribunal de l’Union européenne rappelle la protection très large accordée à une marque dès lors que son titulaire parvient à démontrer sa renommée. Cette protection permet de dépasser le principe de spécialité du droit des marque et s’explique par les investissements et les efforts du titulaire de la marque afin de faire connaître cette dernière.