
Le calendrier de la CSRD ainsi que les obligations de la CS3D font l’objet d’un double allègement au niveau européen avec la législation Omnibus annoncée par la Commission européenne le 26 février dernier. En parallèle, la France anticipe en venant d’adopter un projet de loi (dit « DDADUE ») s’alignant sur certaines des modifications à venir au niveau européen.
Un double report du calendrier CSRD acté par l’Europe et anticipé par la France
Le report de deux ans des obligations issues de la directive CSRD a été adopté en plénière au Parlement européen le 3 avril 2025, par le biais de la directive dite « Stop the clock ». Ce texte, en attente d’approbation formelle par le Conseil, vise à laisser aux entreprises et aux États membres le temps de s’adapter à une réglementation en voie de simplification.
Les principaux changements calendaires concernent :
- Vague 2 : grandes entreprises non cotées atteignant deux des trois seuils (250 salariés, 40 M€ CA, 20 M€ de bilan) → report à 2028 (sur données 2027)
- Vague 3 : PME cotées sur un marché réglementé et petits établissements de crédit → report à 2029 (sur données 2028)
La France a anticipé ce report : le projet de loi DDADUE, adopté en commission mixte paritaire le même jour (3 avril), aligne officiellement le droit français sur cette temporalité, confirmant l’effet d’harmonisation européen.
Assouplissement structurel à venir : seuils relevés, obligations allégées
Au-delà du report, le projet législatif Omnibus II – encore en discussion – propose une réduction structurelle de la charge règlementaire induite par la CSRD :
- Seuils relevés : entreprises de plus de 1 000 salariés et 450 M€ de CA net
- Suppression des exigences sectorielles
- Allègement du contenu narratif, recentré sur des indicateurs standardisés
- Introduction d’un reporting volontaire simplifié pour les PME (inspiré de la norme TPME de l’EFRAG dite « VSME »)
- Allègement de la taxonomie verte : exemption des activités non significatives, possibilité de reporting partiel sous certains seuils
En parallèle, l’EFRAG planche sur une simplification des normes ESRS, avec un avis attendu pour le 31 octobre 2025, visant à réduire le volume de données et renforcer l’interopérabilité (ISSB, GRI…).
CS3D : vers une obligation de vigilance allégée et recentrée
La CS3D, directive sur le devoir de vigilance, fait elle aussi l’objet d’un assouplissement significatif :
- Calendrier : report d’un an pour la transposition (26 juillet 2027) et d’un an supplémentaire pour la première application (26 juillet 2028) aux grandes entreprises
- Contenu :
- Exigence de vigilance limitée au partenaire commercial direct, sauf en cas d’information plausible sur des risques en aval
- Évaluations espacées (tous les 5 ans au lieu d’annuellement)
- Réduction de l’effet de ruissellement sur les PME : limitation des informations que peuvent exiger les donneurs d’ordre
- Suppression de l’obligation de mettre fin à la relation commercialeen dernier recours
- Responsabilité civile renvoyée aux législations nationales, sans obligation d’action représentative
Ces évolutions traduisent une volonté de rendre la directive plus opérationnelle et moins pénalisante, tout en maintenant les objectifs de transparence sur les chaînes de valeur.
Adaptation française : un projet DDADUE dans la continuité mais avec des particularités
Outre le report calendaire acté par le texte, la France prévoit, via le projet de loi DDADUE, deux autres ajustements notables :
- Dépénalisation des infractions liées au non-respect de la CSRD : abrogation de l’article L.822-40 du Code de commerce.
→ Reste cependant possible : une action en référé avec astreinte pour obtenir la publication des informations exigées. - Création d’un nouveau cas de nullité des décisions d’assemblée générale dans les sociétés, en l’absence de désignation d’un OTI ou CAC en matière de durabilité, en lien avec l’ordonnance du 12 mars 2025.
La France opte ainsi pour une approche équilibrée, combinant l’alignement avec Bruxelles et un encadrement juridico-procédural pragmatique.
Conclusion : vers un reporting de durabilité à géométrie variable ?
La CSRD et la CS3D connaissent un tournant important, entre report des calendriers, réduction des exigences, et volonté affichée de rationalisation. À ce stade, entreprises et praticiens doivent :
- Maintenir les dynamiques ESG en cours (matérialité, gouvernance, données)
- Planifier une année test sur 2026
- Renforcer leur veille réglementaire sur les ESRS, la directive Omnibus II et les textes d’application
Les pouvoirs publics optent-ils pour une simplification efficace ou pour une dilution des ambitions initiales ? Les mois à venir le diront.