Par un arrêt en date du 26 juin 2024, la chambre commerciale de la Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé par la société INTERSPORT à l’encontre de l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Paris le 28 janvier 2022 l’ayant condamnée pour des actes de parasitisme.
L’affaire oppose la société DECATHLON à la société INTERSPORT concernant l’exploitation par cette dernière de masques de plongée intégrale reproduisant, selon la société DECATHLON, les caractéristiques de son modèle déposé, à savoir son célèbre masque intégral à tuba intégré « Easybreath ».
Après avoir procédé à des constats d’huissier et fait réaliser des opérations de saisie-contrefaçon, DECATHLON a assigné en contrefaçon de dessins et modèles communautaires enregistrés et en concurrence déloyale et parasitisme en vue d’obtenir des mesures d’interdiction et l’indemnisation de leur préjudice.
En première instance, DECATHLON a été déboutée de son action en contrefaçon de son dessin et modèle, mais a obtenu gain de cause au titre du parasitisme et INTERSPORT a été condamnée à lui verser 100.000 euros en réparation du préjudice né des actes de concurrence parasitaire.
La Cour d’appel a confirmé le jugement de première instance en ce qu’il a :
- Rejeté l’action en contrefaçon du modèle, dont les ressemblances existantes entre les deux masques ressortent principalement de la reprise des caractéristiques imposées par la fonction technique du modèle ;
- Retenu les actes de parasitisme, eu égard à la volonté d’INTERSPORT de se placer dans le sillage de DECATHLON, pour bénéficier du succès rencontré par son masque, sans justifier d’investissement particuliers de développement ou de publicité, alors que DECATHLON rapporte la preuve du succès commercial rencontré par son produit phare (articles de presse, chiffre d’affaires généré, etc.) outre des investissements publicitaires à plus de 3 millions d’euros.
En revanche, la Cour d’appel rejette la condamnation en concurrence déloyale, faute de démonstration d’un risque de confusion entre les 2 produits, du fait de leur différence.
Suite à pourvoi en cassation des société INTERSPORT et DECATHLON, cette affaire arrive devant la Cour de cassation.
La chambre commerciale de la Cour de cassation rappelle à titre liminaire que :
« 16. La recherche d’une économie au détriment d’un concurrent n’est pas en tant que telle fautive mais procède de la liberté du commerce et de la libre concurrence, sous réserve de respecter les usages loyaux du commerce.
17. Le parasitisme économique est une forme de déloyauté, constitutive d’une faute au sens de l’article 1240 du code civil, qui consiste, pour un opérateur économique, à se placer dans le sillage d’un autre afin de tirer indûment profit de ses efforts, de son savoir-faire, de la notoriété acquise ou des investissements consentis (Com., 16 février 2022, pourvoi nº 20-13.542 ; Com., 10 juillet 2018, pourvoi nº 16-23.694, Bull. 2018, IV, nº 87 ; Com., 27 juin 1995, pourvoi nº 93-18.601, Bulletin 1995, IV, nº 193). »[1]
Selon la Cour, il appartient à celui qui est victime d’actes de parasitisme de prouver et identifier la valeur économique individualisée qu’il invoque et la volonté du tiers de se placer dans son sillage.
La Cour précise que « les idées étant de libre parcours, le seul fait de reprendre, en le déclinant, un concept mis en œuvre par un concurrent ne constitue pas, en soi, un acte de parasitisme ».[2]
Sur la première condition :
En l’occurrence, la Cour retient que la société DECATHLON a bien identifié et rapporté la preuve d’une valeur économique identifiée et individualisée, dès lors qu’elle a réalisé un important travail de conception et de développement de son produit, investi 3 millions d’euros dans sa promotion et a perçu un chiffre d’affaires de plus de soixante-treize millions d’euros au titre de l’exploitation de son masque « Easybreath ».
Sur la deuxième condition :
La Cour retient que DECATHLON rapporte la preuve que la société INTERSPORT a voulu se placer dans le sillage de son concurrent afin de tirer indûment profit de ses efforts, de son savoir-faire, de la notoriété acquise ou des investissements consentis. La Cour, reprenant les conclusions des juges du fond, en conclut que « la distribution, précisément à cette période, du masque « Tecnopro », non seulement identique d’un point de vue fonctionnel mais aussi fortement inspiré de l’apparence du masque « Easybreath », laquelle avait été préalablement testée auprès du public concerné, un lien se faisant entre les deux masques du fait de leur aspect global, a permis aux sociétés Phoenix et Intersport de bénéficier, sans aucune contrepartie ni prise de risque, d’un avantage concurrentiel et caractérise la volonté délibérée de ces dernières de se placer dans le sillage des sociétés Decathlon pour bénéficier du succès rencontré auprès de la clientèle par leur masque subaquatique. »[3]
[1] Cass. Com., 26 juin 2024, n°22-17.647.
[2] Ibid., §19.
[3] Ibid., §23.