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Précisions sur les conséquences attachées au formalisme du contrat d’auteur

20 février 2025 | Derriennic Associés |

Précisions sur les conséquences attachées au formalisme du contrat d’auteur

Par un arrêt du 18 septembre 2024, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence s’est prononcée sur les conséquences attachées aux mentions « obligatoires » prescrites par l’article L131-3 du Code de la propriété intellectuelle. 

Dans cette affaire qui opposait un célèbre auteur-compositeur de rap à son ancien label, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence a eu l’occasion de rappeler les conséquences attachées au non-respect des dispositions issues de l’article L131-3 du Code de la propriété intellectuelle qui prévoit en son premier alinéa que « la transmission des droits de l’auteur est subordonnée à la condition que chacun des droits cédés fasse l’objet d’une mention distincte dans l’acte de cession et que le domaine d’exploitation des droits cédés soit délimité quant à son étendue et à sa destination, quant au lieu et quant à la durée ». 

Les faits : du label à l’auto édition  

Un auteur-compositeur-interprète de musique avait conclu avec un label une série de contrats dans le cadre de la réalisation d’un album : pacte de préférence, contrats de cession et contrat d’enregistrement. Les relations entre l’auteur et son label se dégradent et ce dernier entreprend, dans un premier temps, de dénoncer ce dernier contrat d’enregistrement devant le Conseil des prud’hommes. 

A la suite de cette première procédure, le litige se déplace devant les juridictions judiciaires. L’auteur souhaitant, en effet, éditer ses créations dans sa propre structure, ce dernier assigne son premier label en nullité du pacte de préférence et des contrats d’édition, notamment pour violation des dispositions de l’article L131-3 du Code de la propriété intellectuelle. 

Délimitation des droits cédés : l’interprétation du formalisme imposé par le Code de la propriété intellectuelle

Devant la Cour d’appel, l’auteur-compositeur  soutient notamment que le pacte de préférence ne satisfait pas aux conditions posées par le Code de la propriété intellectuelle en ce qui concerne la délimitation des droits cédés. 

Plus précisément, l’argument de l’auteur-compositeur porte sur l’absence de détermination suffisamment précise de la nature des droits cédés. 

Pour écarter cet argument, la Cour procède en deux temps en : 

  • Enonçant que les dispositions de l’article L131-3 du Code de la propriété intellectuelle « ne sont pas édictées à peine de nullité » ; 
  • Estimant que « nonobstant la grande étendue des droits couverts par la clause, laquelle n’est pas prohibée, la destination des droits cédés est déterminable, visant toutes les formes et moyens d’exploitation, outre la totalité du droit de reproduction et de représentation ». 

Elle ajoute également que « la clause est tout autant délimitée géographiquement, visant certes « l’univers entier », et comporte bien une précision de durée étant égale à la durée de protection des droits d’auteur » de sorte que le pacte de préférence respecte les dispositions du Code de la propriété intellectuelle. 

Ainsi, la Cour semble retenir une approche libérale de l’article L131-3 du Code de la propriété intellectuelle en estimant, implicitement, que malgré la précision certaine des « droits cédés », la référence à la « totalité du droit exclusif d’exploitation de l’œuvre, sous quelque forme et par quelque moyen que ce soit » ainsi que « la totalité des droits de reproduction et la totalité du droit de représentation »  faite dans la clause du pacte de préférence suffit à délimiter la « destination » ainsi que l’étendue des droits cédés. 

La référence à des catégories définies par la SACEM suffit à remplir l’exigence de mention du genre des œuvres du pacte de préférence

L’appelant soutient également que le pacte de préférence doit être annulé notamment en ce qu’il ne détermine pas nettement le genre d’œuvres visées conformément à l’article L132-4 du Code de la propriété intellectuelle (selon lequel seul est « licite la stipulation par laquelle l’auteur s’engage à accorder un droit de préférence à un éditeur pour l’édition de ses œuvres futures de genres nettement déterminés »). 

A cet égard, l’article mentionne au titre des genres des œuvres pour lesquelles un droit de préférence est accordé : 

« œuvres de variété (comprenant seulement la musique, comprenant seulement les paroles ou comprenant parole et musique) ; / Musiques de films de cinéma ou de télévision ; / Musiques de messages publicitaires audiovisuels et/ou radiophoniques ; / Comédies musicales »

La Cour estime que la clause détermine suffisamment le genre des œuvres visées dès lors que  cette stipulation renvoie à des « catégories précisément énumérées et définies par la SACEM ». 

La cession du droit d’adaptation audiovisuelle dans un document non-distinct n’est pas une cause de nullité du contrat d’édition

L’appelant se prévaut enfin de la nullité des contrats d’édition en ce que ces dernières contiennent, en contrariété avec la lettre du troisième alinéa de l’article L131-3 du Code de la propriété intellectuelle, une cession du droit d’adaptation audiovisuelle. 

Or, ledit texte précise que « les cessions portant sur les droits d’adaptation audiovisuelle doivent faire l’objet d’un contrat écrit sur un document distinct du contrat relatif à l’édition proprement dite de l’œuvre imprimée ». 

La Cour écarte cependant cet argument en (i) rappelant que ces dispositions ne sont édictées qu’à but probatoire et (ii) en estimant que, à supposer qu’une telle cession fût nulle, cette dernière n’aurait pas rejailli sur le contrat d’édition, « ne s’agissant pas d’un élément essentiel » de ce dernier.