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Le prestataire qui livre un système informatique ne correspondant pas aux besoins de son client manque à son devoir d’information et de conseil 

13 février 2025 | Derriennic Associés |

Le prestataire qui livre un système informatique ne correspondant pas aux besoins de son client manque à son devoir d’information et de conseil 

Cour d’appel, Bordeaux, 4e chambre commerciale, 2 Décembre 2024 – n° 22/05370

Le prestataire informatique doit s’attacher, lors de la conclusion du contrat, à faire émerger une analyse précise des besoins du client. Le constat que le système informatique livré ne correspondait pas auxdits besoins caractérise un manquement au devoir de conseil de la part du prestataire, susceptible d’engager sa responsabilité.

Le débat récurrent sur le devoir de conseil du prestataire face à une solution informatique jugée inadaptée par le client à ses besoins 

Une société spécialisée dans le commerce de caisses enregistreuses, solutions informatiques de gestion et monétique, signe, avec une société exploitant un bar-brasserie, un contrat de fourniture et d’installation de matériels informatiques, dont des écrans devant permettre aux clients de commander et de régler les consommations à distance, pour un montant total d’environ 70K euros. 

Le matériel est livré et installé mais ne répond pas aux attentes du client qui met en avant des retards de mise en service et des dysfonctionnements. Ce dernier, après plusieurs mises en demeure, assigne son prestataire devant le tribunal de commerce aux fins de se voir condamner à rembourser la somme versée et réparer la perte d’exploitation en résultant.

  • Le prestataire fait valoir le respect de ses obligations contractuelles, l’installation conforme du matériel informatique, le retard étant imputable au client, et chacune de ses interventions ayant fait l’objet d’un bon validé et signé par le client. Il relève en particulier que le client n’avait jamais remis le cahier des charges sollicité.
  • Le client fait le constat que le matériel n’a jamais correctement fonctionné et considère notamment que les difficultés rencontrées dans la mise en œuvre des solutions techniques caractérisaient un manquement à l’obligation de conseil et de délivrance conforme de la part du prestataire.

Le tribunal de commerce de Bordeaux va donner partiellement raison au client et la cour confirme le jugement.

Le prestataire informatique, professionnel averti, doit rechercher les informations nécessaires et analyser avec précision les besoins du client

D’une part, la question de la délivrance conforme est écartée car la demande était fondée sur le code de la consommation, non applicable s’agissant de ventes entre professionnels.

D’autre part, la cour, sur le fondement des article 1103 , 1104 et 1112-1 du code civil rappelle les contours du devoir d’information.

La cour relève que le prestataire informatique est un professionnel averti dans ce domaine. Il lui incombait un devoir de conseil lors de la conclusion du contrat et il lui appartenait de définir les besoins de son client pour le projet concerné en recherchant les informations nécessaires.

La cour va déduire de l’ensemble des éléments produits, en particulier la proposition commerciale remise avant la signature du contrat ainsi que les courrier échangés, que :

  • le client souhaitait la mise en place d’une interface personnalisée permettant la commande en libre-service et le paiement des consommations ;
  • Le fait que le client n’ait pas mentionné de réserve dans l’encart ‘observations et conseils’ des bons d’intervention n’est pas de nature à prouver avec certitude qu’il était satisfait des prestations ;
  • le client a remis les éléments sollicités par le prestataire ;
  • un procès-verbal de constat, établi par un huissier de justice, établit le caractère non fonctionnel du système de commande à distance depuis les tables.

Ainsi, il apparaît que le système informatique livré ne correspondait pas aux besoins du client, ce qui caractérise un manquement au devoir de conseil de la part du prestataire, susceptible d’engager sa responsabilité.

C’est donc à bon droit que le tribunal de commerce a jugé que le prestataire était un professionnel de la prestation informatique et devait s’attacher, lors de la conclusion du contrat, à faire émerger une analyse précise des besoins du client, tant en matière technique que graphique.

La cour, sur le fondement des articles 1217 et 1231-1 du code civil va faire droit à la demande de remboursement au regard des manquements contractuels du prestataire établis. 

L’indemnisation pour perte d’exploitation sera cependant écartée. Le client avait posté des photos sur les réseaux sociaux démontrant que l’établissement était en travaux, il n’est donc pas établi que le retard pris dans l’installation du matériel informatique avait eu pour conséquence de décaler l’ouverture de l’établissement.