CONTACT

Recevabilité d’une preuve déloyale : le juge doit vérifier si elle est indispensable

28 mai 2024 | Derriennic Associés|

A quelles conditions le salarié peut-il se prévaloir, dans le cadre d’une procédure prud’homale, de l’enregistrement d’une conversation avec son employeur, réalisé à l’insu de ce dernier ?

Depuis l’arrêt rendu par l’assemblée plénière le 22 décembre dernier, il est acquis que la déloyauté ou l’illicéité d’une preuve ne suffit pas, en tant que telle, à l’écarter des débats. Dans ce cas en effet, lorsque cela lui est demandé, il appartient au juge d’opérer une mise en balance des droits en présence.

C’est cet office du juge que viennent rappeler ces deux arrêts, rendus à propos de retranscriptions d’enregistrements clandestins dont se prévalaient les salariés à l’appui de leurs demandes.

Dans l’arrêt du 2 mai, la Cour de cassation était saisie d’un pourvoi formé à l’encontre d’un arrêt qui avait écarté des débats le procès-verbal de constat d’huissier relatif aux enregistrements d’une conversation entre un salarié et son employeur, au motif que le salarié ne justifiait pas que cette production soit indispensable à l’exercice de ses droits, en l’occurrence, à la caractérisation du harcèlement moral dont il se prévalait.

Ce raisonnement est censuré par la Cour Suprême, qui rappelle qu’en présence d’une preuve illicite ou déloyale, il appartient au juge de vérifier si la preuve litigieuse n’était pas indispensable à l’exercice du droit à la preuve du salarié et si l’atteinte au respect de la vie personnelle de l’employeur n’était pas strictement proportionnée au but poursuivi.

L’affaire est donc renvoyée sur ce point devant une autre cour d’appel.

L’arrêt du 6 mars est quant à lui une illustration de cette mise en balance des intérêts par le juge du fond.

En l’espèce, un salarié se prévalait d’une retranscription de l’enregistrement d’un échange téléphonique avec son employeur à l’appui de sa demande de requalification de ses contrats d’intérim en CDI.

De son côté, l’employeur soulevait l’irrecevabilité de cette preuve au motif qu’elle portait atteinte au principe de loyauté et au respect de sa vie privée.

Mettant en balance d’un côté le droit à la preuve du salarié et de l’autre, le droit à la vie privée de l’employeur, la cour d’appel écarte la preuve litigieuse.

Pour les juges du fond, dès lors que d’autres éléments – non déloyaux – produits par le salarié permettaient de faire la preuve de ses droits, la production de l’enregistrement clandestin n’était pas indispensable.  Dans ces conditions, la preuve est écartée.

Source : Cass. Soc. 2 mai 2024, n°22-16.603 ; CA Versailles, 6 mars 2024, RG n°21/03617