Par un arrêt du 13 janvier 2023, la Cour d’Appel de Paris a réduit les dommages et intérêts infligés à un prestataire informatique au double motif que le client était également responsable et que ce dernier a partiellement renoncé à recouvrer le trop-perçu des primes d’ancienneté.
La fonderie mécanique générale castelbriantaise (« FMCB ») a conclu avec la société ADP, en septembre 2009, un contrat de fourniture et de maintenance de logiciel portant sur un logiciel « RH » de gestion de la paie.
En décembre 2016, la fonderie a découvert qu’entre 2009 et 2015 le logiciel avait été mal paramétré et que, pendant des années, la prime d’ancienneté des salariés était calculée sur une base de 39 heures au lieu de 35 heures. Autrement dit, la FMCB avait versé un trop plein à ses salariés.
La FMCB a assigné ADP en versement de la somme de 95 179,82 euros, correspondant aux primes et charges sociales indûment acquittés. En novembre 2019, le tribunal de commerce de Paris a fait droit à cette demande en condamnant ADP au paiement de ladite somme.
ADP a interjeté appel devant la Cour d’appel de Paris qui a répondu en quatre temps :
Dans un premier temps, ADP considérait que l’existence d’une erreur de calcul était prévue et encadrée contractuellement, de sorte que cette simple erreur ne pouvait être qualifiée de faute contractuelle ouvrant droit à réparation. Effectivement, le contrat stipulait : « ADP garantit au Client qu’en cas d’erreur ou d’omissions affectant les services, ADP corrigera l’erreur ou l’omission ». Cet argument n’a cependant pas convaincu la Cour d’appel, qui a considéré que cette clause n’exonérait pas ADP de sa responsabilité contractuelle.
Dans un second temps, la Cour d’appel a considéré que cette faute n’était pas dolosive, de sorte qu’il fallait appliquer la clause limitative de responsabilité qui était prévue au contrat, plafonnant le préjudice à la somme de 35.821,76 euros.
Dans un troisième temps, la Cour d’appel a rappelé que le client avait l’obligation de contrôler la production des données. Effectivement, le contrat stipulait à deux endroits que : « le client s’engage à collaborer activement avec ADP » et que « le client exercera un suivi régulier de la fourniture des services par ADP ». En se fondant sur ces clauses et sur le fait que FMCB disposait d’un outil de contrôle de la régularité des bulletins de paie extraits par l’application, la Cour d’appel en a conclu que FMCB avait « manifestement tardé à contrôler » lesdits bulletins, et a ainsi considéré qu’il était nécessaire de partager à parts égales la responsabilité des parties dans la cause du préjudice (soit 48.840 euros chacun).
Enfin, et surtout, la Cour d’appel a rappelé que FMCB disposait de la faculté, de droit, de répéter les primes indûment versées auprès des salariés, ce que la fonderie a refusé de faire en raison de « tensions sociales » dans l’entreprise. La Cour d’appel a considéré que le fait pour FMCB d’avoir été « dissuadée de récupérer les sommes » constituait « une probabilité raisonnable de renoncement à ce recouvrement que la cour estimera à 30 % ».
Compte tenu de tout ce qui précède, ADP a été condamnée à payer à FMCB la somme de 14.652 euros, correspondant à la perte de chance de FMCB de recouvrer les sommes multiplié son préjudice subi (48.840 x 0,3).
Source : Cour d’appel de Paris, Pôle 5 chambre 11, 13 janvier 2023, n°19/21630