
La Cour de cassation (Cass. Soc., 17 sept. 2025, n° 23-22.456) réaffirme qu’un employeur peut sanctionner différemment des salariés ayant participé à une même faute, sans que cela constitue une discrimination, dès lors que les différences reposent sur des éléments objectifs.
I. Une différenciation possible pour un même fait fautif
Une salariée d’une association de protection de l’enfance est licenciée pour faute grave. Il lui est reproché d’avoir attendu plus d’un an avant de signaler à sa hiérarchie des soupçons d’abus sur mineurs dans une famille qu’elle suivait depuis 2018.
Deux autres salariées, également informées de la situation, ont été sanctionnées :
- L’une, qui avait suivi la même famille durant toute la période et n’avait révélé les faits qu’en mars 2020, est également licenciée pour faute grave ;
- L’autre qui avait cessé de suivre la famille dès septembre 2019 et n’avait pas eu connaissance des nouveaux éléments alarmants survenus début 2020, n’a reçu qu’un avertissement.
La salariée licenciée invoquait une discrimination disciplinaire, estimant que l’employeur n’avait pas appliqué la même sanction pour une faute de même nature.
La Cour de cassation rejette le pourvoi et confirme l’arrêt de la cour d’appel de Grenoble.
Les juges rappellent qu’il est permis à l’employeur, dans l’intérêt de l’entreprise et dans l’exercice de son pouvoir d’individualisation des mesures disciplinaires, de sanctionner différemment des salariés qui ont participé à une même faute.
Une telle différenciation ne constitue donc pas une discrimination, ce d’autant qu’elle reposait, en l’espèce, sur des éléments objectifs et étrangers à toute discrimination.
En l’espèce, la date de révélation des faits, le niveau d’information détenu et la durée de suivi des familles concernées avaient été pris en considération pour légitimer la différence de traitement.
II. Un pouvoir d’individualisation appelant à la vigilance
Cet arrêt confirme la ligne jurisprudentielle issue notamment d’un arrêt du 15 mai 1991. L’employeur n’est pas tenu d’appliquer une sanction identique à tous les salariés impliqués dans une même faute.
L’exercice de ce pouvoir d’individualisation doit cependant répondre à trois exigences :
- Critères objectifs : la différenciation doit reposer sur des éléments concrets (durée d’implication, fonction, degré d’information, comportement, ancienneté…).
- Absence de discrimination prohibée : l’article L. 1132-1 du Code du travail interdit tout traitement fondé sur des motifs illégitimes (origine, sexe, appartenance syndicale, etc.).
- Absence de détournement de pouvoir : la décision doit viser l’intérêt de l’entreprise, non des considérations personnelles.
Cette décision rappelle également en filigrane que si un même comportement fautif peut conduire à des sanctions différentes, la solution serait différente en cas d’exonération totale de l’un ou l’autre des salariés responsables.
La solution interroge également à l’égard d’une directive donnée à un subordonné : l’exécutant devrait-il être plus ou moins inquiété que son responsable hiérarchique, à l’origine de la faute ?
Cet arrêt, qui illustre la souplesse accrue accordée à l’employeur en matière disciplinaire, ne doit pas pour autant donner lieu à une politique sociale individualiste. Si des critères peuvent permettre de distinguer l’échelle des sanctions, encore faut-il que ceux-ci soient objectifs.