
Arrêt du Tribunal dans l’affaire T-671/19 | Qualcomm / Commission
Arrêt du Tribunal dans l’affaire C‑48/22 P, Google (Alphabet) / Commission
Le Tribunal de l’Union Européenne a rendu, cette semaine, deux arrêts particulièrement attendus dans des affaires impliquant Qualcomm et Google. Les deux mastodontes du secteur technologique, accusés d’abus de position dominante dans leurs domaines respectifs d’activité, avaient été lourdement sanctionnés par la Commission européenne, et on vu le montant de leurs amendes corrigés pour l’un et annulé pour l’autre.
Qualcomm : Abus de position dominante, mais amende revue à la baisse
Dans l’affaire T-671/19, Qualcomm, leader mondial des technologies cellulaires et sans fil, faisait face à une amende de 242 millions d’euros infligée par la Commission européenne. Le grief ? La firme américaine était accusée d’avoir pratiqué des prix prédateurs entre 2009 et 2011, en vendant à perte certaines puces UMTS à des géants tels que Huawei et ZTE, dans le but d’évincer son concurrent Icera (filiale de Nvidia).
La Commission, en suivant la plainte déposée par Nvidia en 2010, avait estimé (i) qu’il existait bien un marché pertinent (mondial) des puces de bande de base autonomes et intégrées compatibles avec la technologie « Universal Mobile Telecommunications System » (UMTS) et que (ii) Qualcomm occupait une position dominante sur ce marché pour conclure que (iii) en pratiquant des prix inférieurs à son coût de production, elle avait sciemment tenté d’évincer Icéra (filiale de Nvidia) dudit marché.
Sur la base d’une quinzaine de motifs (dont des motifs procéduraux, liés notamment à la durée de l’enquête, au caractère prétendument succinct de certaines notes prises lors d’entretiens non enregistrés par la Commission avec des tiers, d’erreurs manifestes d’appréciation, de fait et de droit, ainsi que de manquements à l’obligation de motivation par la Commission concernant plusieurs aspects de la décision en question), Qualcomm demandait au Tribunal de l’Union européenne d’annuler ou de réduire considérablement l’amende infligée par la Commission européenne.
Le Tribunal de l’Union Européenne analysera et écartera l’ensemble des moyens opposés par Qualcomm, à l’exception de celui relatif aux montants, estimant que la Commission s’était éloignée, sans justificatif, de la méthode type de calcul pour ce genre de contentieux.
Google : Une décision partiellement infirmée
De son côté, Google, maison-mère d’Alphabet, avait écopé en 2019 d’une amende de 1,49 milliard d’euros pour avoir entravé la concurrence sur le marché de la publicité en ligne. Entre 2006 et 2016, la Commission européenne avait estimé que Google avait abusé de sa domination en imposant aux sites internet d’utiliser exclusivement sa régie publicitaire Adsense. Ces contrats interdisaient toute collaboration avec des régies concurrentes, limitant ainsi la libre concurrence dans un marché déjà fortement concentré.
En pratique, les contrats passés par les sites avec la régie contenaient des dispositions interdisant de conclure des contrats avec des concurrents de la régie Google.
Le Tribunal a néanmoins considéré que (i) la démonstration n’était pas rapportée qu’en pratique, ces dispositions avaient véritablement dissuadé les éditeurs de site et que (ii) ces dispositions avaient, de toute façon, été retirée de ses contrats, dans une logique de mise en conformité.
C’est sur la base de ces considérations que la sanction infligée à Google a été annulée.
Un signal important pour le secteur technologique
Ces deux arrêts témoignent des enjeux croissants autour du droit de la concurrence dans le secteur numérique, où les pratiques commerciales agressives sont régulièrement scrutées par les autorités européennes. Si Qualcomm et Google ont vu leur décision partiellement infirmée, les jugements réaffirment néanmoins la volonté de la Commission européenne de surveiller de près les géants du numérique et de sanctionner les abus de pouvoir sur le marché.