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Validité et force probante d’un procès-verbal de constat d’achat

01 juillet 2022 | Derriennic Associés|

Le 6 avril dernier, la cour d’appel de Paris a rendu un arrêt validant un procès-verbal de constat d’achat réalisé, alors que l’acte d’achat avait été réalisé par un stagiaire travaillant pour le cabinet d’avocats mandaté par la demanderesse (CA Paris, ch 1, 6 avril 2022, n° 20/17307).

Concernant le contexte dans lequel cette décision intervient, il convient tout d’abord de rappeler qu’en 2017, la Cour de cassation avait rejeté un constat d’achat réalisé dans les mêmes circonstances, sur le fondement que l’acte d’achat aurait dû être réalisé par un tiers indépendant (Cass civ 1ère, 25 janvier 2017, n° 15/25210).

Une telle décision procédait alors d’un revirement de jurisprudence par rapport à ce qui était précédemment admis. Rendant extrêmement fragile la validité d’un constat d’achat en raison de la difficulté à trouver un tiers réellement indépendant, elle a fait l’objet de nombreuses critiques.

Revenons cependant aux faits qui ont donné lieu à la décision du 6 avril 2022. Une société produisant des articles de bagagerie s’aperçoit qu’un de ses modèles phares est contrefait par une société concurrente. Elle fait alors établir un constat d’achat par un huissier de justice, avant d’assigner son adversaire en contrefaçon de droits d’auteur et concurrence déloyale et parasitaire.

Cette dernière se défend en arguant que « les conditions de réalisation du constant d’achat n’étaient pas garantes d’un procès équitable, dès lors que le tiers acheteur était un étudiant lié par une convention de stage au cabinet d’avocats, conseil de la société [demanderesse], soumis à l’appréciation de son tuteur et agissant selon ses instructions, qui n’était donc pas indépendant »

Le tribunal judiciaire déclare finalement nul le procès-verbal de constat d’huissier et déboute la société demanderesse, qui fait appel de ce jugement.

La cour d’appel se prononce donc notamment sur la validité et la force probante du procès-verbal du constat d’achat. Ce faisant, elle se fonde sur la jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l’Homme qui impose une preuve loyale, sur la directive n° 2004/48 du 29 avril 2004 ainsi que sur le principe de proportionnalité pour conclure qu’il n’y a pas lieu d’annuler le procès-verbal litigieux.

Premièrement, la défenderesse ne démontre « aucun stratagème qui aurait été mis en place par la société demanderesse et/ou par l’huissier instrumentaire et/ou par le tiers acheteur ». Par ailleurs, « l’identité et la qualité de ce dernier de stagiaire au sein du cabinet [d’avocats], lui-même expressément désigné comme le conseil auprès de qui la société [demanderesse] (…) n’étant nullement dissimulées mais au contraire clairement mentionnées en première page du procès-verbal ».

Ensuite, la cour d’appel considère que « la circonstance que la personne ayant procédé à l’achat de la valise litigieuse était stagiaire au sein du cabinet d’avocats mandaté par la demanderesse à l’action en contrefaçon et concurrence déloyale n’affecte pas le caractère objectif des constatations mentionnées au procès verbal ». Elle rappelle en outre que « l’huissier [avait] indiqué être resté à l’extérieur du magasin, avoir vérifié que l’acheteur n’était porteur d’aucun objet en entrant dans le magasin et avoir constaté que ce même acheteur était ressorti de ce même magasin en étant porteur du produit litigieux ».

Enfin, elle juge que « le seul fait que l’achat de la valise a été effectué par un stagiaire du cabinet d’avocats de la requérante ne porte pas non plus, en soi, atteinte au droit de la société [défenderesse] à un procès équitable, cette dernière ayant tout loisir de contester (…) le procès-verbal de constat d’achat ».

La Cour d’appel termine son raisonnement en constatant que : « décider autrement reviendrait à priver inutilement la société [demanderesse] de la possibilité d’obtenir simplement des éléments susceptibles de constituer la preuve de la matérialité des agissements qu’elle invoque, alors que, comme le rappelle à juste raison l’appelante, la preuve de la contrefaçon en droit français est libre et peut être rapportée par tout moyen ».

Source : Cour d’appel de Paris, 6 avril 2022, Pôle 5 – Chambre 1, RG 20/17307