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La CNIL prend position sur la mise en œuvre expérimentale de l’application « REPORTY » par la ville de Nice

30 mars 2018 | Derriennic Associés|

Le 15 mars 2018, la CNIL, en séance plénière, a examiné le projet d’expérimentation de la ville de Nice concernant l’application mobile de signalement à la police « REPORTY », suite à une demande de conseil adressée par la ville le 8 janvier 2018.

« REPORTY » est une application permettant à ses utilisateurs de signaler à la police municipale une incivilité grave  (dépôt sauvage d’encombrants ou de déchets sur la voie publique, tags conséquents sur un bien public) ouune « situation critique » (actes de violence, vol, enlèvement, attentat, effondrement, inondation, incendie, accident) » dont ils seraient témoins ou victimes, en transmettant en direct au « centre de supervision urbain » la localisation géographique en question accompagnée d’un enregistrement vidéo et sonore. Cette expérimentation a eu lieu du 10 janvier au 10 mars.

La CNIL rappelle que la lutte contre le terrorisme et plus largement, la prévention des troubles à l’ordre public constituent des objectifs parfaitement légitimes pouvant justifier la mise en œuvre de dispositifs susceptibles de  porter une atteinte à la vie privée. L’atteinte doit cependant être autorisée par un texte, limitée au stricte nécessaire et des conditions précises d’utilisation doivent être définies et appliquées.

La CNIL relève que l’équilibre entre ces conditions n’était pas respecté en l’espèce, pour deux raisons.

D’une part, la CNIL relève que le dispositif repose sur une base légale fragile. Il s’inscrirait en effet difficilement dans le cadre légal actuel de la vidéoprotection fixé par le Code de la sécurité intérieure sur la voie publique, du fait notamment de l’intégration de terminaux mobiles des particuliers dans un dispositif public, sous la responsabilité de la police.

D’autre part, la CNIL relève que le dispositif envisagé n’est pas suffisamment proportionné. Il pourrait en effet impliquer, selon la CNIL, non seulement la collecte instantanée (pour visualisation par le centre de supervision urbain), mais aussi l’enregistrement de la voix et de l’image de tiers (qui constituent des données à caractère personnelles) présents sur la voie publique. La CNIL relève également que le dispositif s’applique à un champ très large d’incidents ou d’évènements, allant d’incivilités jusqu’à des infractions délictuelles et criminelles graves.

La Commission considère également que les garanties mises en place par la ville de Nice (charte de bonnes pratiques susceptible de conduire à la désinscription du service en cas de mésusage) étaient insuffisantes compte tenu de l’ampleur du dispositif.

La CNIL a par ailleurs souligné que le dispositif était susceptible de faire courir des risques réels pour les personnes dénonçant les incivilités ou la situation dont elles étaient témoins ou victimes, ce qui pourrait porter atteinte à leur sécurité.

La CNIL a conclu qu’il était hautement souhaitable qu’un tel dispositif fasse l’objet d’un encadrement législatif spécifique et que sa proportionnalité n’était en l’état pas garantie.