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Contrat informatique : le client mécontent, fondé à résilier sans appliquer la clause résolutoire

06 décembre 2022 | Derriennic Associés|

Une société lance un appel d’offres pour la mise en place d’un système d’information des ressources humaines (SIRH) et retient l’offre d’un prestataire spécialisé. Le client, quelques mois après la signature du contrat, fait part à son fournisseur de son mécontentement, adresse plusieurs mises en demeure puis notifie la résolution du contrat.

Réclamant le remboursement des sommes versées (plus de 70K€) et des dommages et intérêt (plus de 220K€), le client assigne son cocontractant. Il est débouté par le tribunal de commerce de Nanterre, le 13 avril 2021, et interjette appel.

Le client fait notamment valoir trois graves inexécutions contractuelles tenant (i) au non-respect du calendrier impératif du contrat, (ii) à la non-conformité de la solution (nombreuses anomalies et absence de prise en compte des besoins figurant dans le cahier des charges) et (iii) à la gestion catastrophique du projet dont le manquement de la société à son obligation de maître d’œuvre qui n’a, en particulier, ni alerté ni mis en garde sont client.

La cour, au visa des articles 1217, 1224 et 1226 du code civil rappelle que la résolution résulte soit de l’application d’une clause résolutoire soit, en cas d’inexécution suffisamment grave, d’une notification du créancier au débiteur ou d’une décision de justice, et que le créancier peut, à ses risques et périls, résoudre le contrat par voie de notification. Lorsque le débiteur conteste la résolution devant le juge, le créancier doit alors prouver la gravité de l’inexécution.

En l’espèce, bien que le client ait choisi une solution dite ‘de gestion autonome’ dans laquelle le rôle du prestataire était limité, ce dernier devait réaliser les ‘prestations nécessaires à la mise en œuvre’ comprenant la réalisation des paramétrages nécessaires pour répondre aux besoins du client.

Le client justifie avoir envoyé des dossiers d’analyse et il est démontré que le prestataire a rencontré des difficultés pour des applications qui faisaient l’objet d’une fonctionnalité dans l’offre et ne nécessitaient a priori ni charge de paramétrage ni développement spécifique. Le démarrage opérationnel n’a pu ainsi avoir lieu à la date prévue. Le prestataire n’a donc pas respecté le calendrier contractuel dont les jugent déduisent le caractère impératif par la disposition prévoyant que toute modification du planning devait faire l’objet d’un accord préalable et écrit. Enfin s’agissant des dysfonctionnements allégués, le client justifie d’anomalies qui ont affecté l’application.

Ainsi, sans qu’il y ait lieu d’apprécier le manquement allégué tenant à la compétence de l’équipe projet, le client apporte suffisamment la preuve de manquements récurrents, lesquels ont persisté malgré les alertes et mises en demeure adressées, et sont suffisamment graves pour justifier la décision du client de résoudre le contrat aux torts du prestataire, dûment prévenu, peu important que le client n’ait pas fait application de la clause contractuelle relative à la ‘résiliation pour manquement’.

Les juges par conséquent infirment le jugement, considérant que la résolution du contrat par le client aux torts exclusifs du prestataire était bien fondée.

Sur la demande de restitution des sommes payées, sur le fondement de l’article 1229 du code civil, la cour estime que si l’exécution des prestations contractuellement prévues a été perturbée, celui-ci a néanmoins bénéficié de la plupart des applications qui lui ont été facturées et qu’ainsi les prestations échangées ont trouvé leur utilité au fur et à mesure de l’exécution réciproque du contrat, de sorte que les anomalies constatées seront réparées par l’allocation de dommages et intérêts et ne peuvent justifier la restitution de l’intégralité des sommes versées (à l’exception d’un facture qui sera remboursée).

Concernant la réparation des préjudices allégués, la cour, sur le fondement des article 1231 et 1231-1 du code civil, analyse les postes de préjudice allégués et va retenir la perte de temps et surcharge de travail pour les salariés, ainsi que les frais d’assistance juridique, en lien direct avec l’exécution défaillante du contrat. Les autres demandes (notamment le préjudice d’image ou le coût du nouvel appel d’offres) seront écartées, faute d’éléments probants.

Le préjudice sera réparé par l’allocation d’une somme de 50K€. Ce montant n’excédant pas le plafond prévu au contrat, les juges n’examinent pas le moyen allégué par le client tenant à sa qualité prétendue de non professionnel, qui avait pour effet, selon lui, de juger non écrite toute clause limitative de réparation.

Source : Cour d’appel de Versailles, 13ème Chambre, Arrêt du 26 juillet 2022, Répertoire général nº 21/03036