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Joueur e-sport : la cour requalifie en contrat de travail

02 septembre 2025 | Derriennic Associés |

Joueur e-sport : la cour requalifie en contrat de travail

Le « gamer pro » est-il nécessairement salarié ? Aux termes d’un arrêt du 18 juin 2025, la cour d’appel de Metz (CA Metz, 18 juin 2025, n°23/02325) a reconnu qu’un joueur lié par un contrat de joueur à une équipe danoise relevait bien d’un contrat de travail, et non d’une simple prestation de services.

Un joueur français face à une équipe danoise

En l’espèce, Monsieur X avait conclu un contrat de joueur avec la société OG Esports A/S de droit danois, couvrant la période du 1er décembre 2021 au 31 décembre 2023.

Il indiquait avoir joué depuis son domicile selon des instructions quotidiennes (par téléphone ou email), avoir bénéficié d’un suivi et d’un entraînement du lundi au vendredi et avoir été occasionnellement envoyé en tournois ou en séminaires de préparations par la société. Il percevait en contrepartie une rémunération mensuels de 4.000 €.

L’entreprise ayant résilié le contrat unilatéralement en juin 2022, en raison de l’arrêt d’un projet, l’e-joueur saisit le conseil de prud’hommes, qui se déclare toutefois incompétent, au profit des juridictions danoises.

Compétence prud’homale et requalification en contrat de travail

A titre liminaire, la clause de compétence exclusive (Danemark) est jugée inopposable (Règlement Bruxelles I bis, art. 23) et la loi française pleinement applicable, compte tenu du fait que le travail était accompli depuis le domicile du joueur en France.

Au-delà de la question de la compétence, la société avançait l’argument, en premier lieu, qu’un contrat avec un joueur de jeux vidéo ne doit pas nécessairement être un contrat de travail et rappelle qu’aucune disposition législative ou réglementaire ne l’impose obligatoirement, soulignant qu’elle ne remplissait pas les conditions de l’agrément posé par la loi du 7 octobre 2016 pour une République numérique et ayant instauré un CDD d’usage spécifique.

L’argument est balayé par la Cour d’appel qui rappelle que le statut de salarié dépend des conditions factuelles dans lesquelles l’activité se trouve exercée au moyen d’un lien de subordination.

Sur le fond, la Cour vient infirme ainsi le jugement et requalifie en contrat de travail :

  • Lien de subordination caractérisé : instructions permanentes, emploi du temps imposé, sanctions financières en cas de manquement (ex. amende pour retard).
  • Éléments probants : bulletins de paie, virement intitulés « salary », certificat A1 délivré par l’URSSAF mentionnant une activité salariée en France.

La rupture anticipée du CDD, ne reposant ni sur une faute grave ni sur un cas de force majeure, est jugée abusive et l’entreprise condamnée à 68.000 euros de dommages-intérêts au titre de la rupture abusive.

Notons toutefois que l’e-joueur est débouté de sa demande d’indemnité pour travail dissimulé.

Cette décision illustre la perméabilité croissante du droit du travail au secteur de l’e-sport, où les joueurs contractant avec des entreprises étrangères peuvent, malgré la dénomination contractuelle, être considérés comme des salariés dès lors qu’ils exercent sous subordination. Rappelons, en droit interne, que la loi du 7 octobre 2016 pour une République numérique avait instauré un nouveau statut pour les joueurs professionnels salariés de jeux vidéo (CDD d’usage particulier).

Entre e-sport et plateformes : convergences et différences

La solution, qui s’inscrit dans l’ubérisation du travail, résonne avec la jurisprudence récente sur les travailleurs de plateformes numériques.

Dans les affaires Uber (Cass. soc., 4 mars 2020, n° 19-13.316) et Take Eat Easy (Cass. soc., 28 nov. 2018, n° 17-20.079), la Cour de cassation avait requalifié la relation en contrat de travail en raison du contrôle algorithmique, des directives imposées et du pouvoir de sanction. A l’inverse, aux termes d’arrêts récents (Cass. soc., 9 juil. 2025, n°24-13.504 et 24-13.513, n° 17-20.079), la Cour de cassation revient sur sa position et, considérant l’évolution du système Uber, rejette la qualification de contrat de travail. 

La cour d’appel de Metz applique ici la même grille d’analyse : peu importe l’intitulé du contrat, les indices factuels du lien de subordination priment.

Toutefois, une différence notable apparaît : alors que les travailleurs de plateformes revendiquent souvent une autonomie apparente, les joueurs e-sport évoluent dans un cadre collectif très structuré, proche du modèle sportif traditionnel, où les exigences d’entraînement, de disponibilité et d’exclusivité renforcent la subordination.

En retenant la compétence des juridictions françaises et en appliquant le droit du travail, la cour d’appel de Metz ouvre une brèche dans les pratiques contractuelles du secteur e-sport. La comparaison avec les contentieux des plateformes met en lumière une tendance commune : l’extension du salariat aux nouvelles formes d’activité numérique. Le Cabinet reste à ce titre particulièrement attentif aux décisions rendues en la matière pour mieux vous accompagner sur le sujet.

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