
La Cour d’appel de Paris retient qu’une mesure de géoblocage permettant d’empêcher l’accès à des messages dénigrants par les internautes français constitue une mesure suffisante pour faire cesser le trouble et conforme au sens de la LCEN.
Les faits
Dans les faits, une société de droit anglais édite et exploite plusieurs sites Internet à destination du public français. Ces sites proposent l’accès, la modification et l’envoi de tous types de documents rédigés par des professionnels (par exemple, des contrats types préremplis ou des lettres types).
Cette société propose un abonnement mensuel, précédé d’une offre promotionnelle à prix réduit d’une durée de quarante-huit heures.
Des utilisateurs mécontents ont dénoncé sur www.signal-arnaques.com et www.scamdoc.com le fait d’avoir été orientés, sans en avoir eu vraiment conscience, vers la souscription à un abonnement mensuel alors qu’ils avaient opté pour une offre à un euro par formulaire.
Procédure
Estimant être victime de commentaires dénigrants, la société éditrice a mis en demeure l’hébergeur des sites www.signal-arnaques.com et www.scamdoc.com de supprimer ces contenus.
Face à l’absence de réaction de l’hébergeur, elle l’a assigné devant le Tribunal de commerce de Paris aux fins de suppression des commentaires litigieux.
Par un jugement en date du 21 septembre 2022 le Tribunal a (i) ordonné la suppression des commentaires litigieux et (ii) condamné l’hébergeur à verser la somme de 25.000 euros à la société éditrice à titre de réparation de son préjudice moral découlant de la publication des commentaires jugés dénigrants et pour ne pas les voir retirés promptement malgré leur signalement. Le Tribunal a néanmoins débouté la société éditrice d’un certain nombre de demandes et cette dernière a interjeté appel.
Depuis le jugement, elle a également constaté que l’hébergeur avait rediffusé des contenus supprimés en géobloquant leur accès depuis la France ainsi que de nouveaux commentaires qu’elle estime illicites. Dans le cours de la procédure d’appel, l’hébergeur a géobloqué trois commentaires qui lui ont été notifiés mais a refusé d’en géobloquer ou supprimer quatre autres.
Géobloquer l’accès en France de messages dénigrants vaut suppression au sens de la LCEN
La société éditrice soutenait que le mécanisme de géoblocage mis en place par l’hébergeur valait reconnaissance par ce dernier du caractère manifestement illicite desdits commentaires et constituait un aveu judiciaire.
La Cour, constatant que l’hébergeur avait procédé au retrait de certains contenus à la suite de multiples notifications adressées par la société éditrice, rejette tout aveu judiciaire.
Elle considère aussi, s’agissant des contenus rediffusés mais géobloqués depuis la France, que la mesure de géoblocage ne permettait plus aux internautes d’accéder à ces commentaires depuis le territoire français alors qu’ils en sont destinataires, ce qui constitue une mesure suffisante pour faire cesser le trouble et que cette mesure est conforme à la LCEN.
Source : Cour d’appel, Paris, 13 Juin 2025