
La souffrance psychologique peut-elle être reconnue comme un accident du travail si elle s’installe progressivement, dans un climat professionnel tendu ? La Cour d’appel de Versailles répond par la négative dans un arrêt du 10 avril 2025 (RG 24/00979). Sans fait précis, daté et objectivement établi, la qualification d’accident du travail doit être écartée.
Une altération ancienne, une altercation contestée
Une salariée, engagée en qualité d’agent administratif à la CPAM du Val d’Oise, déclare le 6 mars 2017 un accident du travail pour un fait survenu le 28 février : une prétendue altercation verbale avec sa supérieure. Le certificat médical évoque un malaise, un surmenage et une anxio-dépression réactionnelle.
Mais l’instruction révèle que la salariée signalait des difficultés dès fin 2015, avec plusieurs arrêts de travail en 2016, des consultations en médecine du travail, et des tensions récurrentes avec sa hiérarchie. L’altercation du 28 février 2017 est niée par les deux responsables présents, qui parlent seulement d’un « ton ferme », sans propos déplacés.
Un événement psychique ne suffit pas : il faut un fait déclencheur objectivé
En application de l’article L. 411-1 du Code de la sécurité sociale, la Cour rappelle que l’accident du travail suppose :
- un fait précis, soudain, daté,
- une lésion immédiatement consécutive,
- un lien objectif entre les deux, excluant les simples déclarations de la victime (Cass. Civ. 2ème, 28 nov. 2013, n° 12-24.859).
Or, en l’espèce :
- la souffrance psychique de la salariée est installée de longue date (depuis 2015),
- aucun fait nouveau ou brutal n’est objectivement établi au 28 février 2017,
- les témoignages contredisent la version de l’altercation.
La progressivité des troubles invalide donc le critère de soudaineté, indispensable à la reconnaissance d’un accident du travail. L’analyse factuelle (chronologie, témoignages, absence de fait déclencheur identifié) est déterminante pour écarter une qualification erronée.
Cette décision confirme la ligne jurisprudentielle stricte en matière d’accident du travail psychique : la preuve d’un événement professionnel unique, objectivé, daté et soudain demeure une condition incontournable. Elle rappelle également que les formalités administratives ou les certificats médicaux ne peuvent pallier l’absence d’élément déclencheur matériellement constaté.