
Le 31 juillet 2025, le Conseil d’Etat a rendu une décision par laquelle il annule la décision de la CNIL de clôture de la plainte, au sujet du traitement, par la SNCF, de la civilité de ses clients.
Le traitement de la civilité attaqué devant la CNIL
L’association MOUSSE avait saisi la CNIL d’une plainte visant la société SNCF Connect (la « SNCF »). Cette plainte portait sur le traitement, par la SNCF, de la civilité (« Monsieur » et « Madame ») de ses clients.
L’association reprochait plus précisément à la SNCF de collecter ces mentions auprès de ses clients, de façon obligatoire et systématique, sans qu’il ne soit possible d’opter pour un genre neutre. Selon la SNCF, cette collecte se justifiait, au regard des finalités de traitement suivantes :
- personnaliser ses communications commerciales ;
- faciliter l’identification des passagers ; et
- organiser certains services, tels que les trains de nuit incluant des compartiments réservés aux femmes seules.
La CNIL, ayant estimé que le traitement en cause était nécessaire à l’exécution du contrat conclu entre la SNCF et son client, avait rejeté la plainte. L’association a saisi le Conseil d’Etat, qui a posé une question préjudicielle à la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE).
Un possible défaut de base légale mis en lumière par la CJUE
La CJUE, dans un arrêt du 9 janvier 2025, s’est prononcé sur la licéité du traitement en cause et a conclu notamment que :
- le traitement n’était pas, en toutes circonstances, nécessaire à l’exécution d’un contrat, la civilité demeurant une information nécessaire uniquement dans le cadre de certains services ;
- le traitement ne paraissait pas strictement nécessaire à la poursuite de l’intérêt légitime de personnalisation de la communication commerciale, la CJUE laissant à la juridiction nationale le soin de vérifier ce point.
La CJUE a ainsi remis en doute l’existence d’une base légale s’agissant du traitement de la civilité par la SNCF.
La solution du Conseil d’Etat
Suite à l’arrêt de la CJUE, le Conseil d’Etat a rendu, le 31 juillet 2025, une décision par laquelle il tire les conséquences de l’arrêt de la CJUE, indiquant que :
- S’agissant de la base légale de l’exécution du contrat :
- le traitement visant à personnaliser la communication commerciale n’était pas nécessaire à l’exécution d’un contrat ;
- il ne ressortait pas des pièces du dossier que l’absence de la mention de la civilité sur le titre de transport rendrait plus difficile l’identification des passagers ; et
- bien que le traitement de la donnée relative au sexe de la personne concernée soit indispensable à la délivrance de certains services, cela « ne justifiait pas que la mention de la civilité fût exigée pour l’ensemble des prestations ».
- S’agissant de la base légale de l’intérêt légitime, le traitement de la civilité aux fins de personnalisation de la communication commerciale aurait pu atteindre ses objectifs « en proposant aux clients d’indiquer leur civilité de façon facultative et non obligatoire ».
Au regard de ces considérations, le Conseil d’Etat a estimé que l’association était fondée à demander l’annulation de la décision de clôture de la plainte de la CNIL. Il appartient donc à la CNIL, ressaisie de la plainte par l’effet de cette annulation, d’apprécier de nouveau quelle suite il convient d’y donner.
Source : Cour d’appel, Bordeaux, 4e chambre commerciale, 11 Juin 2025 – n° 23/02206