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Escroquerie de vacanciers : Abritel condamnée à rembourser une partie du prix

06 avril 2023 | Derriennic associés|

Par un jugement du 21 février 2023, le Tribunal judiciaire de Paris a condamné Abritel à payer des dommages et intérêts à des vacanciers victimes d’escroquerie sur son site.

Des dizaines de vacanciers cherchant une location de vacances sur le site Abritel et ont été victime d’escroquerie. Dans les faits, certaines annonces frauduleuses obligeaient les vacanciers à prendre contact directement avec le propriétaire, sans réserver par l’intermédiaire du site. Une fois la réservation effectuée, les vacanciers découvraient que les biens réservés étaient, en réalité, inexistants.

Face au refus d’Abritel de rembourser les sommes détournées, les vacanciers ont saisi le tribunal judiciaire de Paris.

Les vacanciers reprochaient, en premier lieu, une abstention (volontaire) de procéder au retrait des annonces illicites.

Ce moyen n’a pas été accueilli par le tribunal dès lors (i) qu’aucun des demandeurs n’apportait la preuve que les annonces n’ont pas été retirées, et inversement (ii) qu’Abritel a apporté des pièces justifiant d’une « réaction rapide ayant abouti à un retrait sans délai » des annonces frauduleuses.

Les vacanciers reprochaient, en second lieu, des pratiques commerciales trompeuses, considérant qu’Abritel donnait « à ses utilisateurs l’image d’une plate-forme sécurisée » en invoquant la mise en œuvre de mesures spécifiques pour prévenir toute fraude.

Le tribunal a également rejeté ce moyen en rappelant que la fraude était intervenue en raison d’un « évènement fortuit, par définition imprévisible, [ne pouvant être rattaché] à une pratique commerciale trompeuse » puisque cette dernière doit résulter d’un « comportement intentionnel ».

Plus encore, si, certes, certaines expressions sur le site, comme « sécurité optimale » ou « confiance », « laissait supposer une infaillibilité du système de réservation » des locations, le tribunal a insisté sur le fait que la « sécurité absolue » d’un site n’est, « par nature pas possible à garantir ».

De même, Abritel fournissait des prestations de « simple mise en relation », fondées sur « une autonomie des comportements des utilisateurs » ce qui « limite l’efficacité des dispositifs de sécurité instaurés » et constitue un « aléa […] dans la stratégie de sécurité de l’hébergeur ».

Enfin, selon le tribunal, il est « de notoriété publique que, quelque soit la sécurité du site, l’utilisation de celui-ci impliquant un paiement requiert un prudence redoublée ».

 Au cours de son analyse, le tribunal a d’ailleurs relevé que les vacanciers ont « manqué singulièrement de prudence en acceptant de quitter le cadre de la plateforme », cet élément aurait dû « susciter la suspicion des vacanciers ».

Selon le tribunal, les escroqueries n’ont donc pas « pour origine principale une faute ou un dysfonctionnement du site ».

En revanche, le tribunal a suivi l’argumentation des demandeurs en relevant « l’ambiguïté du site ». Effectivement, la société était soumise à une « obligation d’information et de conseil, notamment sur les dangers découlant par nature d’un tel système ».

Or, il a été relevé que : (i) la lecture attentive des conditions générales n’était pas « un préalable essentiel à l’utilisation » de la plateforme, (ii) aucun « avertissement général » n’alertait le vacancier sur les risques et la nécessité de suivre les instructions du site, (iii)  le message d’avertissement invitant le vacancier à protéger son paiement était « insuffisant » car il était présent dans le corps de l’annonce et n’obligeait pas le vacancier à utiliser uniquement les modalités de réservation prévues par le site et (iv) les recommandations de prudence n’étaient pas « mis en exergue » puisque « mélangées à d’autres informations ».

De même, il existait des « différences de formulation entre les conditions générales applicables aux propriétaires et celles applicables aux vacanciers », signe d’une « ambiguïté manifeste » puisque tantôt il était exigé de payer par l’intermédiaire de la plateforme, tantôt il était indiqué qu’Abritel n’était qu’un simple hébergeur se limitant à la mise en relation.

Considérant qu’Abritel « n’est pas exempte de toute responsabilité, même si les demandeurs ont participé largement à leur préjudice par des comportements imprudents » le tribunal a condamné Abritel à payer individuellement aux demandeurs des dommages et intérêts compris entre quelques dizaines et quelques milliers d’euros et 4 000 euros d’article 700.

Source : TJ Paris, 21 févr. 2023, n° 11-21-001343.