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Absence de force probante pour un constat effectué « hors délais »

05 février 2021 | Derriennic Associés|

Cour d’appel de Dijon, 2ème ch. civile, arrêt du 10 décembre 2020

Un client a commandé un site internet à un prestaire de services. Ainsi, des travaux de migration de site internet ainsi que la mise en place d’un nouveau serveur web ont été proposés au client, dans un devis, pour un prix de plus de 17.000 € HT. Le devis précisait que les corrections d’auteur, devant faire l’objet d’une validation par le client, seraient facturées en supplément.

En cours de travaux, 85 modifications ont été effectuées, ce qui a engendre une facturation complémentaire de près de 4 000 €.

En avril 2016, un litige est survenu entre les parties car le client reprochait à son prestataire de ne pas avoir exécuté l’intégralité de ses prestations, arguant du fait que le site internet n’était pas exploitable et qu’il comportait de nombreuses erreurs non corrigées.

Le prestataire, quant à lui, faisait grief à son client d’avoir multiplié les demandes de modifications, ce qui avait généré d’importants décalages du planning, et de ne pas lui avoir communiqué divers éléments importants pour le projet. Le prestataire estimait également que les correctifs avaient bien été apportés et que le client pouvait procéder à la mise en ligne du site internet.

Le client l’a cependant assigné devant le tribunal de commerce de Dijon en résolution du contrat aux torts exclusifs du prestataire. Elle a sollicité l’autorisation de faire réaliser aux frais du prestataire les travaux nécessaires au bon fonctionnement du site par un tiers, ainsi que la condamnation du prestataire à lui payer la somme de 50 000 € au titre du coût des travaux de mise en conformité, et celle de 44 122 € en remboursement des factures réglées.

Le client, pour faire valoir ses intérêts, indiquait qu’il avait fait réaliser des constats d’huissier démontrant l’existence de multiples erreurs non corrigées, et qu’il était contraint de faire reprendre par un tiers les prestations du prestataire.

Quant au prestataire, il sollicitait le rejet des demandes formées à son encontre, et a réclamé à titre reconventionnel la condamnation du client à lui payer la somme de 2 217,60 € TTC aux titres des factures non payées ainsi que 5 000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive. Selon lui, il avait dûment fourni l’ensemble des prestations, dont la réalisation avait été retardée uniquement par le manque de collaboration du client et par la multitude de demandes de modifications et d’évolutions additionnelles en cours de projet.

Par jugement du 7 juin 2018, le tribunal de commerce a considéré que le client n’a pas réussi à établir les manquements reprochés au prestataire ; les constats d’huissier étant antérieurs à la dernière version du site, et le client n’ayant lui-même pas rempli son obligation de collaboration en faisant réaliser 85 modifications ou demandes d’évolution du site en cours de migration, ce qui a eu pour effet de retarder sa date de délivrance.

Le client n’étant pas satisfait de cette décision de première instance a interjeté appel. Toutefois, par un arrêt du 10 décembre 2020, la cour d’appel de Dijon a confirmé la décision des juges de première instance en rappelant que « Dès lors qu’il est constant que l’intimée a bien livré le site à l’appelante, c’est à cette dernière qu’il incombe de démontrer l’absence de finalisation qu’elle invoque ».

Par ailleurs, les juges ont estimé que les quatre premiers constats « étaient quant à eux dénués de force probante quant au défaut de finalisation du site, dès lors qu’ils ont tous été réalisés antérieurement à la date du 28 juillet 2016 à laquelle la société Logomotion a informé sa cocontractante que les correctifs nécessaires avaient été apportés, et que le site pouvait désormais être mis en ligne, ce qui laissait supposer que les constats avaient été réalisés sur une ou des versions intermédiaires en cours de développement, et non sur la version finalisée ».

Quant au cinquième constat intervenu 14 mois après que le client a été informé qu’il pouvait mettre le site en ligne, il n’a pas davantage de force probante puisque « aucun élément du constat, ni aucun élément extérieur ne permettent de garantir que l’état dans lequel se trouvait le site à la date du 17 novembre 2017 était identique à celui qui était le sien lors de sa livraison 14 mois plus tôt. »

Pour être efficace et utile, un constat d’huissier doit donc être effectué au moment le plus opportun sinon il n’aura aucune force probante.