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Amazon France Logistique condamnée par la CNIL à 32 millions d’euros d’amende

04 mars 2024 | Derriennic Associés|

Le 23 janvier 2024, la CNIL a sanctionné la société Amazon France Logistique à une amende administrative de 32 millions d’euros pour avoir mis en place un système de surveillance de l’activité et des performances des salariés « excessivement intrusif » et avoir procédé à des opérations de vidéosurveillance sans information préalable. Nos avocats en droit des données personnelles vous offrent leur expertise.

Suite à la publication d’articles de presse visant les pratiques mises en œuvre par Amazon France Logistique, dans le cadre de son activité de gestion des entrepôts du groupe Amazon en France, la CNIL a procédé à des contrôles dans les locaux de cette société.

Le traitement d’un grand volume de données personnelles concernant les salariés

Les contrôles de la CNIL ont mis en lumière l’usage, par Amazon France Logistique, de scanners, confiés à ses salariés, afin de mesurer en temps réel l’exécution de certaines tâches. Les données personnelles issues de ces scanners étaient traitées pour deux ensembles de finalités :

  • la gestion des commandes en temps réel, d’une part ; et
  • la planification du travail et l’évaluation des performances des salariés, d’autre part.

L’utilisation des scanners, par les salariés d’Amazon France Logistique, donne ainsi lieu à la production de données bruts, issues de 43 « indicateurs ».

Un défaut de base légale

Parmi les 43 « indicateurs » utilisés par Amazon France Logistique, 2 ont particulièrement retenu l’attention de la CNIL :

  • L’indicateur « Slow Machine Gun », lié à la vitesse d’exécution d’une tâche, destiné à identifier le nombre de secondes écoulées entre deux taches. Si cet intervalle est trop court, il déclenche une alerte signalant une potentielle erreur que le salarié pourrait avoir commise dans la précipitation.
  • L’indicateur « Idle Times », qui enregistre les périodes d’inactivité du salarié (dues à un problème technique rencontré par le salarié, ou bien à une pause excessivement longue) :
  • supérieures à 10 minutes ; et
    • inférieures à 10 minutes, lors de certains moments « critiques » de la journée.

Pour la CNIL :

  • L’indicateur « Slow Machine Gun » révèle un comportement du salarié dans la façon dont il exécute ses tâches directes et est de nature à exercer sur lui une surveillance continue des délais associés à chacune de ses actions sur des tâches directes, avec une mesure de l’ordre de la seconde. Compte tenu de son caractère particulièrement intrusif, cet indicateur excède ce qui est nécessaire aux fins des intérêts légitimes d’Amazon France Logistique, de sorte que le traitement de cet indicateur ne repose sur aucune base légale.
  • L’indicateur « Idle Times » présente, selon la CNIL, un caractère intrusif important puisqu’il contraint le salarié à être en mesure de justifier de tout temps considéré comme non productif, son traitement est donc également dépourvu de base légale.

Une atteinte au principe de minimisation s’agissant de l’ensemble des données

Amazon France Logistique conserve l’ensemble des données bruts issues des indicateurs pendant une durée de 31 jours, afin notamment d’être en mesure de répartir les salariés aux différents postes en fonction de leur niveau de performance sur cette période, et de leur fournir des conseils/supports si les indicateurs sont en baisse.

La CNIL « ne met pas en cause le besoin opérationnel consistant à pouvoir repérer en temps réel tout besoin de conseil/support ou de réaffectation, puis celui consistant à pouvoir déterminer le meilleur conseil ou support, ou la meilleure réaffectation en disposant de données sur les compétences et performances relatives de ses salariés ». La poursuite de ces finalités peut, pour la CNIL, justifier une consultation de ces données, sans conservation.

En revanche, la CNIL considère que le traitement de l’ensemble de ces données, pendant 31 jours, porte atteinte au principe de minimisation ; des statistiques hebdomadaires, moins fines, par ailleurs réalisées par l’entreprise, auraient permis d’atteindre les finalités du traitement. Elle a également considéré que le traitement de ces 41 indicateurs, aux fins d’évaluation du salarié, en raison de l’atteinte disproportionnée qu’il portait aux droits des salariés, est dépourvu de base légale.

Une amende de 32 millions d’euros

En raison des manquements exposés ci-dessus, ainsi que de manquements aux obligations de sécurité et d’information liées à la mise en œuvre d’un dispositif de vidéosurveillance, la CNIL a prononcé une amende d’un montant de 32 millions d’euros à l’encontre d’Amazon France Logistique, équivalant à 3% de son chiffre d’affaires de 2021.

Source : ici