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Attention au dépôt de marque d’un com de collectivité ou enregistrement de noms de domaine !

20 septembre 2019 | Derriennic Associés |

Com. 5 juin 2019, n°17-22132

Un arrêt de la chambre commerciale est venu confirmer une règle de principe en combinant les articles L.42-2 du Code des communications électroniques (« CPCE ») et l’article L.711-4 du CPI.

Sur le terrain des marques, l’article L.711-4 du CPI interdit d’adopter comme marque un signe portant atteinte à des droits antérieurs au nom, à l’image ou à la renommée d’une collectivité territoriale. Concernant les noms de domaine, l’article L.42-1 du CPCE prévoit que « les noms de domaine sont attribués et gérés dans l’intérêt général selon des règles non discriminatoires et transparentes, garantissant le respect de la liberté de communication, de la liberté d’entreprendre et des droits de propriété intellectuelle ». L’article L.42-2, 3° prévoit que « l’enregistrement ou le renouvellement des noms de domaine peut être refusé ou le nom de domaine supprimé lorsque le nom de domaine est :

[…] 3° Identique ou apparenté à celui de la République française, d’une collectivité territoriale ou d’un groupement de collectivités territoriales ou d’une institution ou service public national ou local, sauf si le demandeur justifie d’un intérêt légitime et agit de bonne foi. »

Dans cette affaire, la société Dataxy, bureau d’enregistrement de noms de domaine, exerçait une activité de géoréférencement de sites en France. Elle était titulaire, depuis 2004, des noms de domaine « saoneetloire.fr » et « saone-et-loire.fr ». Elle a également déposé un 3e nom de domaine, « saône-et-loire.fr » en 2012. Le département de Saône-et-Loire lui a contesté l’attribution de ces noms de domaine et en a demandé le transfert en se prévalant notamment de sa marque semi- figurative française « Saône-et-Loire le département » enregistrée en 2011. L’AFNIC a refusé le transfert des noms de domaine « saone-et-loire.fr » et « saoneetloire.fr », mais a accueilli la demande portant sur le nom « saône-et-loire.fr », postérieure au dépôt de marque du département.

La société Dataxy a formé un recours en annulation, le département en profitant pour demander sur le fondement de la contrefaçon de marques, le transfert des deux autres noms de domaine qu’il n’avait pas obtenu.

Devant la Cour de cassation, Dataxy argumente que la dénomination peut être identique ou apparentée à celle d’une collectivité territoriale si le demandeur justifie d’un intérêt légitime et agit de bonne foi par rapport à l’activité commerciale effectivement exercée, ce que n’ont pas analysé les juges du fond. Elle invoque également exercer une activité commerciale de géoréférencement, totalement différente de l’activité de la collectivité territoriale. Le risque de confusion dans l’esprit du public était donc, selon elle, exclu puisqu’en outre, le département disposait de son propre nom de domaine « cg71 » depuis 1999 et qu’en sept ans, il n’avait été reporté aucun incident. Enfin, pour Dataxy, les documents produits établissent précisément que le géoréférencement était une offre de service déterminante pour justifier de son intérêt légitime et de la bonne foi de l’activité exercée et ne correspondait pas à une usurpation au détriment de la collectivité territoriale.

Pour la cour de cassation, « les règles gouvernant l’attribution des noms de domaine sur internet, qui respectent tant les principes de liberté de communication et de liberté d’entreprendre que les droits de propriété intellectuelle, n’ont ni pour objet ni pour effet de restreindre le droit du titulaire de marque d’interdire l’usage sans son consentement, dans la vie des affaires, d’un signe identique ou similaire à la marque, pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux pour lesquels elle est enregistrée, si cet usage porte atteinte à la fonction essentielle de la marque, qui est de garantir aux consommateurs la provenance des produits ou des services, en raison d’un risque de confusion dans l’esprit du public, sauf les effets de l’intérêt légitime et de la bonne foi quant au renouvellement de l’enregistrement de noms de domaine sur internet ».

Elle rappelle que les principes du CPCE n’ont ni pour objet, ni pour effet de restreindre le droit du titulaire d’une marque d’interdire l’usage, dans la vie des affaires, d’un signe identique ou similaire à sa marque, pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux pour lesquels elle est enregistrée. Dans les faits, la reprise du signe « saône et loire », conjuguée à l’identité ou la similarité des services couverts, était de nature à créer un risque de confusion dans l’esprit du consommateur moyen normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, en laissant accroire à une origine commune des services offerts […]. La cour d’appel, […] avait donc « souverainement retenu que la société Dataxy ne démontrait pas une exploitation des noms de domaine litigieux afin d’offrir des services en rapport avec le territoire du département de Saône-et-Loire, et a pu décider que cette société n’avait aucun intérêt légitime à obtenir l’enregistrement et le renouvellement à son bénéfice des enregistrements correspondants ».

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