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Dans quelles conditions un contrat devient-il caduc ?

07 avril 2025 | Derriennic Associés |

Dans quelles conditions un contrat devient-il caduc ?

Au sein de cet arrêt récent très didactique sur les grands principes des conditions de nullité des contrats et du principe de caducité, une société de plateforme d’appel et d’assistance téléphonique dans les domaines de l’électricité, du gaz, de l’eau s’est vue condamnée en première instance à payer un fournisseur de lignes téléphoniques en dépit du fait qu’elle n’avait pas consommé une minute des lignes téléphoniques.

Ne parvenant pas à démontrer le dol et l’erreur en appel pour faire annuler le contrat de vente de lignes téléphoniques, elle obtient néanmoins la caducité du contrat sur le fondement de l’article 1186 du Code civil. 

Lorsque le dol et l’erreur ne sont pas retenus comme causes de nullité

Dans cette affaire, une société qui propose une plateforme d’appel, avait commandé, à la fois un logiciel adapté en matière de démarchage dénommé « PhonePlus CRM » et des lignes téléphoniques auprès d’un autre fournisseur. Or, insatisfaite de la solution logicielle, la société de plateforme d’appel décida d’arrêter ce projet lors de la phase de test et, par conséquence, de ne pas consommer les lignes téléphoniques pourtant activées. Elle envoya un courrier de résiliation au fournisseur des lignes téléphoniques au motif que la période de test du logiciel CRM ne fut pas convaincante ; ce premier contrat étant également résilié par courrier.

La société de téléphonie, arguant que les lignes téléphoniques avaient été activées en demanda le paiement, d’abord par courrier puis, devant le tribunal de première instance qui lui donna raison.

La société de plateforme d’appel interjeta alors appel en vue de faire annuler le contrat sur le fondement, d’une part du dol, puis, de l’erreur.

La cour d’appel de Versailles est venue rappeler certains grands principes du droit des obligations lorsque l’on tente de faire annuler un contrat :

  1. Lorsque l’on invoque le dol en tant que cause de nullité sur le fondement de l’article 1137 du code civil et que l’on prétend que l’autre partie a intentionnellement dissimulé des informations déterminantes de votre consentement, il est primordial de prouver précisément les agissements dolosifs de l’autre partie. « Le dol ne se présume pas et doit être prouvé. » En l’espèce, la société de téléphonique avait bien expliqué par courrier qu’« effectivement, dans le cas où nous n’activons pas la ligne (licence) celle-ci n’est pas facturée », ce dont il se déduit, a contrario, que les lignes activées sont facturées. Aucun dol ne fut démontré et ce moyen fut rejeté par la cour ;
  2. Quant à l’erreur, l’appelante prétend que la rétention d’information de la société de téléphonie au sujet des conditions d’utilisation des lignes téléphoniques et de leurs conditions de facturation l’a, a minima, induite en erreur sur un motif soi-disant déterminant de son consentement. Elle tenta de faire annuler la vente sur un simple motif (la valeur du service), motif extérieur aux qualités essentielles de la prestation.  La cour d’appel de Versailles, encore une fois, rejeta ce moyen en rappelant : « Selon l’article 1135 du code civil, dans sa rédaction issue de l’ordonnance du 10 février 2016, l’erreur sur un simple motif, étranger aux qualités essentielles de la prestation due ou du cocontractant, n’est pas une cause de nullité, à moins que les parties n’en aient fait expressément un élément déterminant de leur consentement. » Les moyens sur la nullité du contrat pour vices du consentement furent donc logiquement rejetés.

La caducité du fait d’une forte inter dépendance entre deux contrats

La société cliente invoqua également la caducité du contrat de vente de lignes téléphoniques, sur le fondement de l’article 1186 du Code civil (« Un contrat valablement formé devient caduc si l’un de ses éléments essentiels disparaît. ») et elle fut cette fois entendue par la Cour d’appel. Cette dernière reconnait que les deux contrats, celui de la solution CRM et celui des lignes téléphoniques (Couplage téléphonie-informatique (CTI)) correspondaient à une seule et même opération économique. La société qui avait vendu la solution CRM avait mis en relation le client avec son partenaire CTI, ce dernier étant mentionné au sein du bon de commande de la première société. La société cliente était donc fondée à se prévaloir de l’interdépendance des contrats en cause et eut raison de soutenir que la résiliation du contrat conclu avec la société ayant vendu la solution CRM entraîne la caducité de celui conclu avec la société de téléphonie.

La Cour prononça alors la caducité du contrat de la société de téléphonie et débouta cette dernière de sa demande de paiement des factures.

A retenir

Cet arrêt illustre parfaitement la rigueur d’analyse des tribunaux lorsqu’il s’agit d’étudier les vices du consentement pour faire annuler un contrat. Le dol et l’erreur ne sont pas des causes de nullité à prendre à la légère. 

La caducité d’un contrat au sein d’une seule et même opération économique

Quant à la caducité d’un contrat, ce fondement peut être retenu dans le cadre d’une inter dépendance forte entre deux contrats, objet d’un même projet et d’une même opération économique, en particulier du fait de la résiliation du premier contrat. Les juges, garants du respect des engagements pris au sein des contrats, n’acceptent de faire annuler les accords conclus, qu’à des conditions limitées et encadrées.

Source : Arrêt de la Cour d’appel de Versailles, Chambre commerciale 3-1, du 12 mars 2025 (n° 23/01083)

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